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Politique

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Message par chapati Jeu 17 Nov 2022 - 6:36

En se qualifiant de social-démocrate et en revendiquant le réformisme dans une interview, François Ruffin aurait  proposé une nouvelle stratégie pour faire gagner la gauche en 2027 (mais l'article de l'Obs est hélas réservé aux abonnés). Alexis Corbière lui répond que cette voie est une impasse.
Je comprends pas tout en première lecture, aussi je me mets à résumer pour clarifier, et j'aboutis à ça :
Le modèle social-démocrate est un réformisme qui suppose des liens étroits un entre parti implanté dans la classe ouvrière et un mouvement syndical assez puissant pour imposer au patronat des compromis : le capitalisme serait alors contraint à des reculs et concessions incessantes. Les trente Glorieuses reposaient sur une croissance forte et une économie à l'échelle nationale qui permettait à chacun de prendre part aux fruits de la croissance. Tant qu'elle était là et que les entreprises étaient contraintes par le cadre national, l'idée de social-démocratie a fonctionné. Ça explique que dans les années 80, les forces capitalistes ont imposé la mondialisation basée sur la libéralisation des mouvements de capitaux. Quand un patron peut délocaliser l’usine sans difficulté, quand le propriétaire est un fonds de pension, quand on peut mettre en concurrence les salariés d’un continent à l'autre, il n’y a plus d’espace pour la social-démocratie.

Le compromis social-démocrate ignore en outre le prix payé par la nature et le climat à la croissance. Le capital accepte mieux les augmentations salariales quand l’exploitation des ressources de l’environnement lui permet de maintenir ses taux de profit. Nous savons à quel désastre écologique cela a conduit. Or la politique social-démocrate n’a été rien d’autre qu’un ajustement à l’ordre néolibéral. Pourquoi revenir à un tel modèle ? Une social-démocratie ne peut-elle avoir d’autre programme qu’une ambition sociale réduite, faute des moyens face à la finance internationale. C’est contre cet adversaire qu’il faut construire le rapport de force pour une distribution des richesses et la préservation des conditions de vie.

Outre l’impensé écologique, la voie social-démocrate souffre d’un autre défaut, elle sous-estime l’impératif démocratique. Peut-on espérer changer la vie tant que de plus en plus de gens s’éloignent de la vie démocratique et des élections parce qu’ils pensent que les institutions censées les représenter les ignorent ? On ne parviendra à rien sans mobiliser l’ensemble de la population. Pour ramener les citoyens à la politique, il ne suffit pas de témoigner plus d’empathie. Il faut proposer aux citoyens de prendre le pouvoir sur leurs vies personnelles... et collective. Nous devons sans cesse proposer des droits nouveaux : d’intervention, d’initiative référendaire, de contrôle des pouvoirs, etc.

Ce programme est celui du projet pour une VIe République. La revendication démocratique n’est pas un supplément d’âme mais une condition qui commande de nous adresser en priorité à ceux qui sont les plus éloignés de la vie démocratique : les électeurs qui s'abstiennent et ceux bernés par les mensonges du RN. Ce n’est pas en courtisant le centre gauche que nous progresserons de façon décisive à la prochaine présidentielle, mais en convainquant que la solution aux malheurs du pays passe par une rupture dans notre façon de produire et partager la richesse, et de lutter contre le changement climatique, et aussi les institutions politiques.

https://www.nouvelobs.com/opinions/20221116.OBS65966/pourquoi-je-ne-suis-pas-social-democrate-par-alexis-corbiere.html

Et là, c'est clair. Sauf que je suis coincé. On dirait que Corbières répond à François Hollande, pas à Ruffin. Mais qu'a donc dit Ruffin ? Ou serait-ce moi qui aurais simplifié la réponse ? En fait, ce que je comprends, c'est que Corbières explique à Ruffin que, quel que soit son ressenti personnel, la bonne stratégie doit être de s'adresser au peuple pour l'inciter à voter et non au centre-gauche. Sans doute faut-il comprendre que la position de Ruffin serait contre-productive, peut-être dans la mesure où le peuple pourrait y voir un simple retour à la sociale-démocratie façon Hollande. Et donc que LFI est obligé de choisir une stratégie et pas l'autre. Auquel cas, ça se tiendrait. Et tout ça est pas mal intéressant...

Faut quand même avoir de bonnes lunettes !


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Message par chapati Mer 22 Mar 2023 - 10:15

Réforme des retraites


L'autre jour, vote sur la motion de censure à l'assemblée. Les courants politiques y sont tous allés de leur speech et ce fut de loin Mathilde Panot qui eut le meilleur. De ces interventions qu'on se retrouve à finalement écouter parce que bien torchées. Sans doute cela a-t-il dérangé Borne : comment, du talent ? Sus à l'ennemi ! "Votre violence verbale a débordé dans la rue", a-t-elle claironné. Toute la rancœur du monde semble se déverser dès que mémé ouvre la bouche. Et le pire est le petit sourire psychotique de triomphe qu'elle abhorre après chacune de ses saillies, comme si elle en était fière.
Ce mélange d'aigreur et de prétention provoque un rejet physique chez moi : comme si un corps étranger rentrait en moi, que mon cerveau ne tolérait pas. Au nom de quoi devrait-il se taper ce genre d'aigreurs ? Sans doute d'ailleurs ne s'en rend-elle pas même compte : la médiocrité, c'est son monde.

C'est pas qu'on n'ait jamais été ébloui par les sorties des politiques, mais au moins avaient-ils jadis un regard a minima sur eux-mêmes, leur évitant ces pures régurgitations d'aigreurs. Cette dimension semble aujourd'hui absente, comme s'il n'y avait plus rien que la bile d'une petite vieille médiocre, dont le quart d'heure de gloire s'étire sans raison. Ça caquète et l'on voudrait sortir de ce cerveau malade. "Votre violence verbale a débordé dans la rue". La rue. La violence. La violence de la rue. Le pain et la brioche.

Madame Borne a-t-elle seulement réalisé que la tribune de Panot était bien foutue ? Evidemment non. Elle en est bien incapable, étanche qu'elle est à quoi que ce soit qui implique un peu de talent.
Il y avait un film sur le sujet, ça s'appelait "Ridicule". C'en est la parfaite illustration.
Sauf qu'à qu'à la fin, les protagonistes y découvraient l'humour. La volaille macronienne n'en est pas là. Pas grave, le chef est à l'aise dans cette basse-cour. A 13 heures, notre jeune coq sortira des certitudes et personne ne répondra, puis il passera à autre chose avec le même allant, comme si tout était égal.
Égal, anecdotique, psychotique.

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Message par chapati Mer 29 Mar 2023 - 14:59

Quelques comas plus tard, Pif le chien et son fidèle compagnon d'armes à nœuds ont surenchéri : c'est pas nous, c'est la faute à Mélenchon. Mélenchon ? Pas encore en coma profond, celui-là ? Et voilà qu'il surenchérit, lui aussi. La foule, cette merde populacière aux yeux de notre majesté ? "La foule est au peuple ce que le cri est à la voix", dixit le pré-comateux dans son blog. J'aime bien. Certes, mieux vaut avoir été formé à la notion de "cri" pour apprécier la formule (c'est pas Pif le chien qui en goûtera le sel). C'est comme la notion "d'armes à nœuds", autre subtilité langagière, c'est qu'on cause ici entre érudits. L'arme à nœuds est-elle une arme de guerre ? Ça dépend, ça dépend.

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Message par chapati Ven 14 Avr 2023 - 19:20

AVIS A LA POPULATION

(le camarade B a raison : lien)

Afin de faciliter la communication entre l'État et les français, sera gracieusement fourni à chacun un logiciel de traduction pedzouille-français. Ainsi le citoyen de base pourra-t-il enfin comprendre la langue de nos chères nouvelles élites.

Exemple : quand le ministre de l'intérieur dit de la Ligue des Droits de l'Homme : "Je ne connais pas la subvention donnée par l’État, mais ça mérite d’être regardé dans le cadre des actions qui ont pu être menées",
le citoyen français de base pourra comprendre son message via la traduction suivante : " J’ignore le montant exact des subventions accordées par l’État à la Ligue des Droits de l’Homme ; toutefois, il me semble qu’il conviendrait de le réévaluer, eu égard aux actes que la Ligue des Droits de l’Homme a pu commettre, et qu’on serait en droit de lui reprocher".

Ce précieux outil pourrait éviter aux autorités de dire par la suite qu'elles ont été mal comprises et qu'il leur faut faire des efforts de pédagogie afin de mieux expliquer leurs positions aux mal comprenants.
... en attendant bien sûr que tout le monde se familiarise avec la langue de nos nouvelles élites.

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Message par chapati Jeu 20 Avr 2023 - 12:05

Macron, une philosophie anti-casserole.

"C'est pas les casseroles qui font avancer la France".

Au début était la casserole, puis vînt Macron. Macron est l'antidote de la casserole. Il dit : "faire avancer la France", mais il a dit "la France" parce que c'est son job : la France, il s'y identifie, on l'y identifie. Mais c'est pas "la France" qu'il a en tête, c'est l'Histoire. Et l'histoire c'est le monde. Faire avancer le monde, c'est ça le job de Macron. Évidemment, le formuler ainsi, c'était casse-gueule. D'autant qu'avec ce qu'il prend en ce moment... Il a beau fanfaronner qu'il a l'habitude et qu'il est blindé : déjà on n'en est pas si sûr ; ensuite il se méfie quand même...

Faire avancer le monde, c'est compartimenter les choses et les résoudre. Il y a un problème, on pense, on le résout, et on passe au problème suivant. Si si, d'ailleurs c'est lui qui le dit. Il dit qu'ensuite, ça sera l'éducation, les hôpitaux etc. Cent jours pour ces broutilles (maintenant que le gros est fait). Là, il y avait de plus en plus de retraités, il fallait donc de plus en plus de cotisants pour payer leur retraite, c'est tout con. Le monde, c'est des dossiers qu'on résout. C'est ça faire avancer le monde.

Pour le réchauffement mondial, gageons qu'il va bientôt inventer le ventilateur...


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Message par chapati Jeu 4 Mai 2023 - 13:54

Sont-ils fous ? (Frédéric Lordon)

(résumé d'un texte équilibré et intelligent, mais bien trop long, dans Le Monde Diplomatique : lien)

Répéter que Macron est un forcené, c’est trop concéder à la psychologie.

Être matérialiste, c’est tenir qu’en dernière analyse ça n’est pas la psychologie qui fait la politique : ce sont les structures. Cependant la psychologie retrouve sa part quand, parmi celles-ci, il en est qui concentrent au plus haut point le pouvoir dans les mains d’un seul. Les institutions de la Ve République sont à cet égard une sorte de monstruosité. Elles permettent de faire à peu près tout ce qu’on veut sans rencontrer d’obstacle formel. Ces mêmes institutions produisent des effets différents selon les mains duquel elles tombent. C’est qu'elles ont aussi une part informelle. Un ensemble de normes le plus souvent inconscientes les fait vivre concrètement, qui règlent leur "bon usage", leur pratique. Mais les évidences morales d’un moment finissent par passer, et l’institution se retrouve aux mains de personnages nouveaux, à qui ces évidences sont devenues étrangères. La Ve République est une concentration folle de pouvoir, qui supposait imprudemment la régulation informelle d’un robuste éthos démocratique. Imprudemment parce que la vérité "dure" de l’institution n’est nulle part ailleurs que dans ses dispositions formelles. Qui se saisit d’un pouvoir pareil et quelle moralité, donc quelle idiosyncrasie, y compris psychique, il y engage, n’est plus une question secondaire.

Mais les éthos ne tombent pas du ciel.. Pour se faire une idée et des processus qui les gouvernent et des effets qu’ils produisent, il est préférable de lâcher l’antinomie entre psychés et structures. Ça n’est pas comme ça qu’on comprendra ce qui se passe entre les unes et les autres, ni ce qu’il y a de politique dans leur jeu combiné. Structures et institutions n’ignorent pas les psychés, elles opèrent à travers elles. Comment, sans quelque relais dans les individus, pourraient-elles agir sur les individus ? Mais les institutions font davantage encore : elles sélectionnent les psychés les plus adéquates à leurs propres réquisits. L’Église, la police sélectionnent ses psychés adéquates. L’entreprise néolibérale sélectionne ses psychés adéquates – des pervers, au sens clinique du déni de l’altérité, condition de l’instrumentation des humains comme des choses. Et de même la tête de l’État. Que le pouvoir tombe dans les mains d’un énergumène comme Sarkozy ou d’un forcené comme Macron, n’a rien d’un hasard : il est l’expression d’une nécessité de structure dans un moment particulier de la structure. Dans le triangle État-police-entreprise, c’est la même nécessité globale qui est à l’œuvre, la nécessité d’un capitalisme qui s'est donné les moyens de ne plus transiger. Dans cette nouvelle donne du capitalisme (connue sous le nom de "mondialisation"), l’ethos de la négociation et du compromis a fait place à celui de l’imposition unilatérale. Les psychés de qui occupe les positions de pouvoir reflètent ce mouvement. Quand le capital ne négocie plus rien et brutalise tout, les personnages adéquats de l’État du capital ne négocient plus rien et brutalisent tout.

La crise n’est que la fuite en avant de ce processus de brutalisation dans des conditions d’effondrement de la légitimité des pouvoirs politiques. Aussi les psychés sélectionnées pour tenir l’ordre s’infléchissent-elles dans le sens de l’insensibilité à la violence exercée, à mesure que davantage de violence est requise. La morale n'a pas sa place : Il s’agit plutôt de voir comment une nécessité de structure s’accomplit par la sélection et l’opération des psychés qui lui conviennent. Et comment, en retour, ces psychés sont les indicatrices d’un état des structures.

Les psychés des dominants ne cessent donc d’exprimer l’évolution des structures de la domination. C’est pourquoi l’idée qu’en dire quelque chose reviendrait à psychologiser est faible. C’est pourquoi également, l’objection "ils ne sont pas fous, ils calculent" n’est pas plus robuste. Surtout parce il n’y a de calcul qu’aux services de finalités, qui, elles, n’ont pas été posées par calcul. Quelles sont-elles ? Maintenir un ordre quoi qu’il en coûte. Provoquer, intimider, terroriser ne sont que des moyens. Or il revient à des dispositions psychiques d’être capables d’envisager tel moyen ou de se l’interdire. En tout cas, la classe dominante est en état de sécession morale d’avec le reste de la société, et vit autour de nouvelles normes que nul ne partage en dehors de son cercle étroit. Mais l’état moral d’un groupe est nécessairement exprimé dans l’état psychique de chacun des individus qui le composent. La sécession morale a donc nécessairement pour corrélat une reconfiguration psychique collective.

Les structures ne suffiront pas à parler du rapport de démolition de Macron aux mots et au langage. Elles ne suffiront pas à qualifier le degré de mensonge dans les énoncés gouvernementaux. Se contenter de dire "structures" n’éclairera pas le degré d’obscénité sans précédent, l’effondrement de toute décence, la perte de toute limite auxquels, médusés, nous assistons. Un structuralisme borné ne saisira rien de ces caractères de l’époque. Car les structures ne disent pas à qui on a affaire. Savoir qui est Macron permet de ne pas se jeter dans les absurdes stratégies de la décence démocratique — où l’on escompte être entendu après s’être rassemblés nombreux pour demander. Savoir ce qui meut la police, mesurer la force pulsionnelle qui tient les policiers à leur matraque évite de se perdre à les appeler "avec nous". Etc. Il s’agit de se donner les moyens de comprendre que les individus n’effectuent pas mécaniquement la structure : ils y mettent de leur idiosyncrasie et, par-là, font varier les opérations de la structure. Qui ne voit que le style de Macron, sa propension à la provocation par ignorance de l’altérité, l’autocentrage radical qui le laisse au comble de la satisfaction de soi quelle que soit l’idée qui lui traverse l’esprit ?

Pour nécessaire qu’il soit, l’avertissement structuraliste, s’il en reste là, passe à côté de données d’importance. Ne pas vouloir prêter attention à son idiosyncrasie, c’est ne pas voir qu’il est impossible d’attendre de Macron les réactions qu’on escompte usuellement de quelqu’un qui a inscrit convenablement l’altérité. D’autant plus qu’on ne voit pas par quelle étrange logique, ayant dit cela, il deviendrait impossible d’ajouter que Macron seul n’est pas le problème, que le remplacer par un individu un peu plus sain d’esprit ne réglerait rien. Faudrait-il encore qu’il s’en trouve, or, on l’a vu, la "crème" que retient la structure pour en faire ses fonctionnaires est désormais faite de détraqués. Si d’aventure, le capital considérait que Macron n’est plus son homme, il en trouverait un pour prendre sa place.

Le paradoxe du structuraliste qui dénonce la psychologisation sans y regarder davantage, c’est qu’il ne réalise pas que, ce faisant, il se prive des moyens de penser les processus historiques de transformation des structures. Si les idiosyncrasies, habitus, psychés ne comptent pas, si seules règnent la structure et son implacable nécessité, par quel miracle la structure viendrait-elle à changer ? Il est heureux qu’il y ait des pôles individuels de puissance dans les structures et qu’ils ne les effectuent pas mécaniquement. Il faut bien tout de même que l’Histoire ait une chance. Des structures aux psychés, il se passe quelque chose, et, aussi bien dans la résistance à un pouvoir forcené que dans la politique affirmative d’un monde à faire surgir, nous avons intérêt à savoir quoi.


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Message par chapati Lun 8 Mai 2023 - 16:25

Résumés : un édito du Monde, la réponse de Mélenchon, les précisions de Ruffin.


A gauche, le problème Mélenchon (lien Le Monde)

Alors que la Nupes n’a pas su tirer profit de la contestation sociale contre la réforme des retraites, le leader des insoumis voit son aura décliner. Un an après sa création, la Nupes n’a pas été capable de capitaliser sur la réunification des gauches entamée par JLM ni sur le mouvement social du nouveau quinquennat de Macron, servant involontairement les intérêts de MLP.
La trop forte soumission de la gauche au groupe dominant, La FI et le rôle personnel qu’y joue JLM sont en jeu. Trois fois candidat à l’élection présidentielle mais jamais qualifié pour le second tour, l’ancien trotskiste a gagné dans le paysage politique français une place particulière. Il est devenu l’homme capable de porter haut les couleurs de la gauche mais pas celui qui peut lui garantir de franchir un jour les portes du pouvoir. Cette fois, son aura est atteinte car s’il devient, par ses excès, l’un de ceux qui fournissent du carburant à la présidente du groupe RN à l’Assemblée, c’est la gauche tout entière qui se trouvera embarquée dans le naufrage.
Le comportement de Mélenchon dans le conflit des retraites interpelle : les jeunes ne sont pas descendus massivement dans la rue ; les appels à l’insurrection n’ont rien donné. Si la colère des Français est incontestable, elle n’entraîne pas l’effondrement du bloc central sur lequel table l'insoumis pour aboutir à une confrontation avec MLP dont il espère sortir gagnant. Au contraire : plus il se radicalise, plus elle s’affirme. Le malaise est perceptible au sein même de LFI où le chef a perdu de son aura. Il donne l’impression de se replier sur une garde rapprochée face à de potentiels concurrents. François Ruffin est à l'évidence l'un des plus sérieux. Fort de son vécu, le député de la Somme rêve de reconstruire une gauche sociale capable de rassembler de LFI jusqu’au centre.
Toute l’histoire de la gauche a été marquée par des luttes de positionnement et de pouvoir. Celle qui se profile se déroule cependant dans un contexte particulier : la poussée de l’extrême droite. Pour espérer la contrer, la gauche doit rester unie. Pour espérer rester unie, elle doit trouver les moyens de faire vivre et travailler ensemble toutes ses sensibilités. Jusqu’à présent, Mélenchon a été un farouche adversaire du pluralisme. Aujourd’hui, il doit lâcher du mou sauf à apparaître comme le fossoyeur de ce qu’il a réussi à construire.


La réponse de Mélenchon (lien blog de Mélenchon)

Par la banalisation de Le Pen et la diabolisation de LFI et de JLM, il s’agit de construire "un front républicain contre LFI", allant de l’extrême droite aux partisans de Bernard Cazeneuve. Un à un, les secteurs de la droite conservatrice rallient cette ligne. Leur but est que ce bloc permette en France une opération du genre de celle qui a donné le pouvoir à Melloni. C’est le cas en Suède, en Finlande, en Pologne ou en Hongrie. C’est en préparation en Espagne aussi.
Un éditorial du Monde annonce le ralliement du quotidien à cette ligne. Pour eux, le plus grand danger ce serait moi. Tout est bon : mépris, refus d’analyser, vindicte, flot de pur venin : "Trois fois candidat à l’élection présidentielle mais jamais qualifié pour le second tour, l’ancien trotskiste a gagné dans le paysage politique français une place particulière. Il est devenu l’homme capable de porter haut les couleurs de la gauche mais pas celui qui peut lui garantir de franchir un jour les portes du pouvoir. Le long marathon qu’il a couru après sa rupture avec le Parti socialiste, en 2008, lui a permis de gagner ses galons de leader en flattant, par son verbe, l’aspiration au changement d’une gauche qui, en plein réchauffement climatique, rêve de révolution". Le Monde participe à la meute. Le Monde s’en prend à moi. Pourquoi ? Les lecteurs ne sauront pas pourquoi leur journal embraye sur la campagne macroniste menée pour détourner l’attention de son double échec sur la réforme et sur le "maintien de l’ordre".  Le Monde a un sérieux problème avec le pluralisme. Il ne peut se contenter de défendre sa ligne centriste, il lui faut mépriser et flétrir ceux qui lui tiennent tête.
Mais pourquoi par-dessus le marché créer une réalité qui n’existe pas ? Je répète : il n’y a pas et il n’y aura jamais de compétition entre lui et moi. Ruffin est un bon candidat, nous disent les sondages. Tant mieux. D’autres insoumis le sont aussi à mes yeux. Je souhaite être remplacé. Je l’ai dit, écrit, répété. Pourquoi vouloir entretenir l’idée d’une compétition ? Pour nous détruire dans les divisions. Voilà leur but. Laissez sa chance à François Ruffin. Ne poussez pas. Car le soutien du Monde est en vérité une plaie dont on ne se relève pas.
Dans le cas de François Ruffin, Le Monde ne peut s’empêcher de lui faire endosser un costume qui n’est pas le sien. Il affirme en effet que Ruffin veut une alliance "de la gauche jusqu’au centre". Une pure invention. Un mensonge. Une flétrissure trop intéressée pour être innocente. Jamais François Ruffin ne l’a proposé. Il y est opposé, comme tous ceux qui participent au mouvement Insoumis, sous quelque forme que ce soit. On ne peut être Insoumis et partisan de l’alliance avec Bayrou et Macron. Pourquoi Le Monde choisit-il d’inventer une identité politique à quelqu’un ? Vous n’aimez pas Mélenchon ? C’est votre droit. Mais que ce soit un prétexte pour mettre en selle le bloc bourgeois de Macron à Le Pen est une collaboration insoutenable et anti républicaine. Pour le prix de ce journal, on attend une marchandise informative et non un bulletin paroissial de propagande.

Les précisions de Ruffin : Le gentil Ruffin contre le méchant Mélenchon ? (lien blog MDP)

Depuis que je m’assagis, j’ai pas mal de nouveaux amis. Tant mieux. Mais je ne veux pas les décevoir : car si j’ai changé, c’est vrai, dans mon expression, je varie peu dans mes convictions. Il s’agit, surtout, de ne pas tromper les Français sur le chemin, la ligne de crête, que je m’efforce de tracer, pour la gauche, pour notre pays.

Depuis que L'Obs et Libé font leur Une sur ma pomme, j’ai de nouveaux amis. Des anciens sympathisants socialistes, voire des ex-ministres, tant mieux, je prends. J’entends monter la petite musique du gentil Ruffin contre le méchant Mélenchon, chez des éditorialistes. Ces sympathies, il ne s’agit pas de les rejeter : avoir plein de copains, c’est bien. Mais je ne veux pas les décevoir, qu’ils se trompent de canasson : car si j’ai changé, c’est vrai, dans mon expression, je varie peu dans mes convictions. Parce que, aux hommes et aux femmes de bonne volonté qui, ces temps-ci, me trouvent quelques charmes, je veux le dire : il ne s’agit pas seulement, aujourd’hui, de rompre avec Macron, ce serait facile tant il est détesté. Pas même avec le mandat Hollande, déjà aux oubliettes. Mais de bel et bien fermer la parenthèse ouverte il y a 40 ans, d’en finir avec des dogmes usés. C’est une nécessité pour reconquérir une confiance populaire, pour remettre sur pied notre pays, c'est une nécessité pour la planète.
Car que produit la concurrence ? Le chaos, le désordre. Le libre-échange étendu à tous les continents ? La recherche du moindre coût, social, fiscal, environnemental. La compétitivité ? Les biens communs écrasés par les égoïsmes. Chaque jour, cette doctrine ne se montre pas seulement impuissante à résoudre les crises, à commencer par la plus terrible des crises, la crise climatique, pire : chaque jour, cette doctrine creuse notre tombe. Contre ce fanatisme du marché, les esprits ordinaires se sont révoltés. Non par idéologie mais parce qu’ils en sont concrètement affectés dans leur vie quotidienne, de la naissance (avec la maternité qui a fermé) jusqu’à la vieillesse (comment payer l’Ehpad à la mamie). Que l’Etat revienne aux manettes, et pas seulement pour distribuer des aumônes, mais pour piloter les grandes transformations, l’impérative transition. Voilà, en gros, qui ferait consensus.
J’entends évoquer la gauche du faire. Mais si ce "faire" ne s’appuie pas sur une pensée, ça signifiera une acceptation de l’ordre économique établi. Alors, cette gauche ne fera pas grand-chose, elle n’essaiera pas pour de bon. Elle ira d’autant moins loin que jamais elle ne sera élue, qu’elle se hissera péniblement, au mieux, aux 5 % : les temps réclament de vrais changements. Voilà sur le fond, et c’est, en gros, dans la continuité des positions de JL Mélenchon.
Maintenant, il y a le ton.
Les Français me semblent fatigués, par les années Covid, la guerre en Ukraine, l'inflation, fatigués par les querelles, les polémiques à jets continus. Fatigués par l’indécence, l’arrogance, l’agitation du forcené de l’Elysée. Ils souhaitent de la paix, qu’on leur fiche la paix. Et le mouvement sur les retraites, si puissant, me paraît habité moins par un désir d’insurrection que de tranquillité, de sécurité, de protection. Il nous faut rassurer face à un Macron qui inquiète. Rassurer sur l’ordre que nous allons ramener, dans la santé, dans l’éducation, dans les porte-monnaie. Rien ne sert de répéter "radicalité" à chaque phrase : soyons-le, avec sérénité, avec d’autant plus de force tranquille que nous avons pour nous l’évidence. Qui, aujourd’hui, veut plus de concurrence, de mondialisation, de compétitivité ? Plus personne. C’est fini. Leur monde est mort, même s’il court encore.

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Message par chapati Mar 9 Mai 2023 - 14:12

Libé reprend le texte de Ruffin dans un article.

Il y voit un pas vers la présidentielle. On peut effectivement le lire comme ça. Sauf que ça n'a pas l'air de lui plaire qu'on parle de lui comme un de ses "nouveaux amis". Aussi commence-t-il à lancer des piques à droite à gauche (à droite surtout) en parlant de la "colère" dans laquelle serait "toujours" Ruffin vis-à-vis des marchés financiers (pauvres choux). Libé explique encore que ce serait Mélenchon qui aurait "poussé" Ruffin vers la présidentielle alors que c'est justement ce que reproche Mélenchon au Monde dans son blog, en l'accusant de mettre Ruffin en avant trop tôt, au risque de compromettre ses chances (lui-même n'ayant fait que l'adouber parmi d'autres candidats potentiels). Bref on n'est pas loin de l'accusation de Mélenchon envers Le Monde quand Le Monde dit que Ruffin veut une alliance "de la gauche jusqu’au centre". Libé semble donc lui aussi vouloir ré-écrire l'histoire. D'ailleurs quand Libé donne un lien Libé se rapportant à cet "adoubement" de Mélenchon vis-à-vis de Ruffin, on n'est pas surpris de voir que l'article s'intitule "Entre Ruffin et Mélenchon, bientôt la guerre de succession". Pile poil.

A fleuret moucheté, tout ça ressemble fort à un avertissement sans frais à l'encontre de Ruffin. Si t'es pas sage, petit, tu t'exposes à subir bientôt le même sort que Mélenchon, dixit la nouvelle presse "de gauche", farouchement porteuse de l'espoir suscité par ses 1,7 % à la présidentielle...


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Message par chapati Mer 2 Aoû 2023 - 19:05

Barbara Stiegler (philosophe politisée sympa)


Elle avait déjà commis un petit livre très énervé d'une centaine de pages chez "Tract Gallimard" sur la façon dont la pandémie de covid avait été traité en France ("De la démocratie en pandémie"). Très énervé et très politique. Bien fait, intéressant. De la pandémie, elle en parle aussi ici un peu, plutôt à titre d'exemple cette fois, à propos de la façon dont est en train de tourner la démocratie en France. Y'a rien à jeter mais c'est délayé et long, plus d'une heure et demi.
Ce que j'ai surtout retenu, c'est sa façon de remarquer que quand on parle de fascisme (ou de néo-fascisme), la presse oppose sans cesse la notion de dictature : "mais ici, on n'est pas en dictature", insiste-t-elle. Ceci dit, moi je l'avais remarqué depuis un speech de Macron (qui disait ce même genre de truc) et je l'avais commenté dans un billet ici. Mais elle donc, dit le constater aujourd'hui dans la presse, qui raconterait sans cesse qu'existe deux alternatives et seulement deux : la dictature ou la démocratie. Et comme on n'est pas en dictature...
Rien d'étonnant finalement, quand on voit ce que la presse est devenu, et plus précisément la façon dont elle a traité la gestion de la crise du covid.
Stiegler oppose à ça que non seulement la notion de démocratie n'est si simple à définir, mais même celle de dictature ne l'est pas : existe maintes nuances, par exemple entre dictature, tyrannie, régime autoritaire etc (l'Inde est une démocratie par exemple, et il s'y passe bien des choses qui ont peu à y voir depuis Modi). Bref, une démocratie, c'est théoriquement un peu plus qu'un système où l'on a le droit d'élire un chef tous les cinq ans (et des gens qui nous représentent si peu).



Notons encore qu'avec François Alla, un chercheur en santé publique, elle a aussi récemment publié un nouveau petit livre, toujours chez Tracts Gallimard (que j'ai pas lu) : "Santé publique, année zéro".


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Message par chapati Ven 24 Nov 2023 - 11:20

Défendons un peu Mélenchon avant que les urnes n'officialisent le totalitarisme en cours


Natacha Polony se présente comme une femme de droite, c'est son droit. En plus, elle est intelligente et moins antipathique que nombre de ses pairs. Par contre, on ne peut pas dire qu'elle se démarque plus que ça de la meute dès qu'il est question de Mélenchon, comme on peut le voir dans les réponses de Marianne à des questions de lecteurs à son sujet.

D'abord, un point me dérange particulièrement : celui d'à la fois traiter Mélenchon de populiste et d'en même temps comparer ceux qui le suivent à des groupies. Pourquoi des groupies ? Pourquoi parler de groupies pour dire des gens qui sont d'accord avec le seul discours politique de gauche intelligent du moment ? On peut être groupie de Millei ou de Trump, c'est facile à comprendre. De Mélenchon, ça n'a pas de sens. Ensuite comment peut-on ne pas dire un mot sur le bashing dont il est victime dans toutes les rédactions ? S'il y a des groupies, c'est bien ceux qui suivent sans broncher n'importe quoi, non ? Et s'il y a "populisme", n'est-il pas justement dans ces attaques qui manipulent et calomnient à chaque fois ses propos ?

Exemple de réponse de Marianne : "en cultivant ‘le bruit et la fureur’ pour délégitimer les institutions sociales accusées d’être sous l’emprise hégémonique du néolibéralisme, la gauche populiste en vient à construire la même représentation du monde que celle des ultralibéraux".
Je comprends pas : il y a une autre représentation que celle des "néos" ou des "ultra" libéraux ? On n'est pas dans un monde abusivement gouverné par l'argent ? Marianne vivrait-il dans un univers parallèle ?

Ou encore, il est question "d'esprit commando" qu'entretiendrait Mélenchon pour garder la main-mise sur LFI.
C'est à voir : moi je pense en tous cas qu'écarter les loups qui auraient tôt fait de transformer LFI en nouveau parti social-libéral, c'est de l'ordre de la lucidité (politique) et que ça n'a pas forcément à voir avec je-ne-sais quel "esprit commando"...

Dans le même ordre d'esprit et pour dire l'emprise de Mélenchon sur LFI, on peut lire : "le gros de LFI a tendance à adopter le syndrome de la 'forteresse assiégée', qui consiste à resserrer les rangs envers et contre tous, qui se soucie comme d'une guigne de la bronca médiatique permanente dès que Mélenchon dit quoi que ce soit".
Marianne n'a pas l'air très consciente des choses. Faut dire que quand on en est à qualifier l'islamophobie ambiante de "critique" ou encore comme des "moqueries" (comme on a pu le lire dans ses colonnes), on est plutôt mal placé pour se targuer d'avoir un regard objectif sur ces choses...
Et de raconter ensuite que c'est Mélenchon qui "se détournerait des médias traditionnels" : ça tourne au gag !

"La stratégie populiste est assurément un choix conscient de La France insoumise", poursuit l'hebdo : "ces derniers temps, on pourrait dire que le mouvement de JLM vise à agréger au peuple un nouveau segment électoral : les abstentionnistes des banlieues".
Donc viser des segments de la population, c'est populiste ? Viser les ouvriers par exemple, c'est populiste ? Quel conception étrange... En outre, l'honnêteté aurait consisté à répondre que ce sont les abstentionnistes qui sont visés, et pas plus ceux des banlieues que d'autres, ce que Mélenchon dit d'ailleurs clairement. Maintenant s'il vise aussi le vote musulman, Marianne n'a qu'à le dire franchement au lieu de le suggérer plus ou moins sournoisement.
Oui, ça passe en effet aussi par le vote musulman et il n'y a pas de honte à viser ce créneau, tant qu'on est clair sur ces choses ! Sauf que clair, c'est justement un point sur lequel Marianne ne l'est pas du tout... comme l'a démontré le long et pénible passage de Caroline Fourest dans ce journal. Et encore aujourd'hui avec cette soi-disant lutte pour la laïcité dont l'hebdo se fait le chantre, comme si c'était un point central dans le débat démocratique. Mais tout le monde est pour la laïcité, chère Natacha, pas besoin de faire intervenir sans cesse les islamistes radicaux pour monter en épingle je-ne-sais quelle menace !
Sur le sujet, citons encore : "Sans doute reste-t-il des militants, voire des élus sincèrement attachés à la laïcité au sein du mouvement. Reste qu'ils seraient immédiatement ostracisés par LFI s'ils dénonçaient le danger de l'islamisme ou s'opposaient explicitement au communautarisme en France".
Et revoilà le mot "islamisme"... un terme parfaitement ambigu sur lequel jouent tous les islamophobes. Pourtant c'est simple : je viens par exemple moi-même d'employer "islamisme radical" de façon qu'on sache de quoi on parle : pourquoi certains cultivent-ils sans cesse ce genre d'ambiguïté en ne précisant jamais les choses clairement, quand existent mille définitions du mot "islamisme" ? C'est si compliqué d'être clair pour un journaliste ?

Nouvelle question de lecteur : "Comment expliquer le décalage entre le Melenchon des campagnes présidentielles, et son programme fleuve et poussé sur de nombreuses questions (politique étrange, cyber, espace…), et le rétrécissement observé sur sa personne le reste du temps ?", et réponse hallucinée de Marianne : "c'est vrai, il y a un contraste entre le Mélenchon des campagnes présidentielles et le Mélenchon de 'l'entre-deux' (...) L'une des grandes qualités de Jean-Luc Mélenchon est que la présidentielle semble faire ressortir le meilleur de lui-même".
N'importe quoi : c'est que l'entre-deux est l'occasion dont profitent les médias pour cracher sans cesse sur lui en manipulant ses propos alors qu'à la présidentielle, on a le temps de l'écouter sans qu'ils ne l'interrompent immédiatement. C'est trop compliqué d'en prendre conscience à Marianne... ou trop compliqué à dire ?

Un dernier pour la route : ça plaît à Marianne de créditer (à partir d'un sondage) Mélenchon de 10 % de gens qui adhèreraient réellement à son programme. C'est pas impossible. Mais il eût été honnête d'ajouter que ceux qui auront dit préférer tel ou tel autre parti de gauche dans le sondage raisonnent dans l'abstrait, en pensant à telle ou telle idée de gauche à laquelle ils adhèrent ou adhéraient, et comme par hasard ne votent finalement pas du tout pour leur soi-disant "préférence" dès qu'ils voient la tête du type censé la représenter !


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Message par chapati Ven 1 Déc 2023 - 13:39

Violette aussi est Vénère...


La question de savoir si nous vivons ou non dans un pays ou dans une période fasciste divise régulièrement les réseaux sociaux. Je vais donc examiner la situation de la France en 2022 à la lumière du livre d’Umberto Eco et des 14 aspects de ce qu’il appelle le fascisme éternel, l’Ur-fascisme. Eco entreprend de montrer que sous ses différents avatars, subsistent des caractéristiques fondamentales du fascisme, qu'il n’est pas nécessairement totalitaire.

C'est long mais ça a été difficile à résumer (issu d'un billet de blog de Médiapart).


1. Culte de la tradition :
Macron a souvent confessé sa fascination pour la royauté : "Il y a dans le processus démocratique un absent. Cet absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort" (2015). Comme tout politique, il tend à privilégier une vision de l’histoire qui sert son ambition : d’un côté une volonté affichée de modernité qui ferait de la France une start-up nation ; de l’autre, celle de ressusciter un culte de la tradition. Le président  multiplie les annonces trompeuses. La lutte contre les violences faites aux femmes est par exemple proclamée grande cause du quinquennat, mais il ne met pas à l’écart des ministres accusés de viols, de chantage sexuel. Macron est un communicant. Il applique le principe selon lequel on doit mélanger le mensonge à la vérité pour le faire accepter. C’est pourquoi dans le macronisme, les mots n’ont plus de prise sur le réel : Elisabeth Borne, après avoir utilisé à dix reprises le 49.3, se glorifie d’un dialogue fructueux avec le parlement. Elle-même en rit.

2. Le traditionalisme implique un refus du modernisme.
Macron opte pour un modèle de réindustrialisation plutôt que la sobriété écologique, il affiche un amour immodéré pour les armes modernes. Il se donne l’air moderne. Mais le son rapport à la technologie est idolâtre : ceux qui, sur des bases scientifiques, contestent le modèle d’une croissance infinie, sont renvoyés dans le champ de l’irrationnel.

3. le culte de l’action pour l’action.
Macron aime se mettre en scène en action : voler en avion de chasse est une démonstration de virilité, domaine dans lequel il cherche à rivaliser avec Poutine ou Zelensky. Et sans s’embarrasser de l’image d’intellectuel : les universités seront qualifiées de repaires d’islamo-gauchistes. Le terme est émotionnel : il sert à valider deux haines de la France réactionnaire, celle contre les arabes et celle contre la gauche. En s’attaquant à l'une des branches du service public, le gouvernement cultive une rhétorique de l’ennemi intérieur chère aux régimes fascistes, en même temps qu’un anti-intellectualisme qui nourrit la droite depuis longtemps.

4. L’interdiction de la critique.
Le Macronisme ne peut tolérer la critique. Celle-ci révèlerait ses contradictions internes. C’est pourquoi il a cherché à faire signer aux candidats aux législatives de 2022 un engagement à toujours voter ses projets de loi sous peine d’exclusion. Le culte du chef est le corollaire de cette interdiction de la critique.

5. Le désaccord est signe de diversité. L’Ur-fascisme est raciste par définition.
Le macronisme est raciste. Que Macron soit lui-même authentiquement raciste ou qu’il reproduise les préjugés de sa classe, il est indéniable que l’institution policière, elle, l'est, ce qui fait qu’il existe en France un racisme d’État.

6. l’ur-fascisme naît de la frustration individuelle ou sociale.
Le macronisme est résolument anti-pauvre ("les gens qui ne sont rien"). Mépris de classe encore lorsqu'il répond à un chômeur qu’il n’a qu’à traverser la rue pour trouver du travail. Réduction du montant de l’allocation chômage, de la durée d’indemnisation, augmentation du temps travaillé minimum nécessaire pour déclencher les droits. Macron ne cherche pas l’appui des classes populaires en tant que telles. C’est Darmanin qui est chargé d’agiter le spectre de l’immigration. C’est sur le terrain de la lutte contre l’islamisme qu'il joue la compétition avec MLP. Avec le projet de loi visant à créer des titres de séjour pour les métiers dits "en tensions", Darmanin entend bien faire comprendre qu’il y a des étrangers désirables et que les autres sont indésirables... jusqu’à ce qu’ils acceptent un boulot de merde. Le macronisme s’appuie sur le racisme ordinaire pour justifier sa politique autoritaire.

7 Le nationalisme.
L’obsession de la grandeur de la France est le corollaire de sa politique anti-sociale : Macron ne pourrait passer son temps à insulter les Français en les traitant de gaulois fainéants et égoïstes, de stigmatiser une part de la population en déclarant qu’il a envie de les emmerder s’il n’exaltait en retour le sentiment national : "vous êtes pauvres mais au moins vous êtes français et c’est votre fierté". Le nationalisme se nourrit d'éthique compétitive, modèle du gouvernement des médiocres, la nouvelle aristocratie républicaine,. Soucieux d’affirmer sa familiarité avec tout ce que le processus de starification a produit de champions, il n’hésite pas à se substituer au sélectionneur de l’équipe de France de football, prononçant dans les vestiaires le discours d’après défaite. L’exaltation de la nation et des valeurs viriles explique aussi son comportement pendant le match, debout, levant les bras. Son intrusion sur le terrain pour se faire filmer en train de consoler Kylian Mbappé participe de la théatralisation du politique-sport-spectacle. Cependant, pour masquer cette appropriation de la puissance publique au service d’intérêts privés, il faut un narratif, c’est là que vient s’articuler sa version du nationalisme, un nationalisme européiste qui prône la compétition économique entre européens en même temps que la convergence culturelle. Une particularité distingue le macronisme de l’Ur-fascisme : il ne cherche pas à devenir un mouvement de masse, mais plutôt à profiter de son apathie et de l’épuisement de l’opposition.

8. Les disciples doivent se sentir humiliés par la richesse ostentatoire et la force de l’ennemi.
Ici l’ennemi c’est le fainéant, le chômeur. Mais dans sa guerre contre les pauvres, le nationalisme raciste n’est pas absent puisqu’on sait que les personnes racisées sont généralement plus exposées à la précarité. Surtout, ne parvenant plus à faire illusion auprès d’un électorat qui le croyait et se croyait de gauche, il a dû séduire une partie de l’électorat de la droite dure. Il a lâché la bride à Darmanin, chargé de siphonner des voix à l'extrême-droite, avec le détour d’un parti de l’ordre. Les macronistes n’aiment pas les arabes et les noirs parce qu’ils sont noirs ou arabes, mais parce qu'ils sont délinquants. La reconduction aux frontières des étrangers délinquants est une cérémonie du bouc émissaire qui montre la fermeté du gouvernement et venge les humiliés qui croient que tous les maux viennent de l’immigration. Les associations qui opèrent sur le terrain ont pu souligner à quel point l’accueil réservé aux réfugiés ukrainiens différait de celui des afghans. On ne peut nier l’existence en France d’un racisme d’État : la distinction avec l’ur-fascisme est cependant de taille car ce racisme d’état fait l’objet de dénégation de la part de ceux-là même qui l’organisent.

9. Pour l’Ur-fascisme, il n’y a pas de lutte pour la vie, mais plutôt une vie pour la lutte.
Le pacifisme est alors une collusion avec l’ennemi ; il est mauvais car "la vie est une guerre permanente". Le macronisme ne s’approprie pas pleinement ces postulats du fascisme mais joue néanmoins avec la rhétorique guerrière. Le discours au moment de la crise du Covid martelait "nous sommes en guerre". La prédilection du président pour les uniformes sont des marqueurs de l’Ur-fascisme, mais opèrent à un niveau d’intensité faible : le macronisme ne déploie ni les discours ni les moyens qu’un régime fasciste aurait engagés. Si le macronisme est belliqueux, sa guerre est surtout sociale.

10. L’élitisme est un aspect type de l’idéologie réactionnaire en tant que fondamentalement aristocratique.
Au cours de l’histoire, tous les élitismes aristocratiques et militaristes ont impliqué un mépris pour les faibles. L’Ur-fascisme ne peut éviter de prêcher l’élitisme populaire. On voit ici en quoi le macronisme se distingue de l’Ur-fascisme : il repose sur une tromperie qui amène les opposants à Macron à pointer l’irrationalisme d’une grande partie de l’électorat macroniste qui élit des dirigeants qui vont faire empirer leur sort. Les macronistes ne font pas l’éloge de la supériorité du parti : le seul être supérieur de la Macronie, c’est Macron. Les ministres n’ont de valeur que parce qu'il les a choisis. La constitution du gouvernement Borne a pris longtemps : la stupidité des dirigeants ne saurait devenir trop visible, il faut qu’ils soient capables de faire une phrase complexe en public.

11. "Chacun est éduqué pour devenir un héros".
On voit à nouveau l’écart fondamental entre le macronisme et l’Ur-fascisme : comme il ne s’organise pas en mouvement de masse, le macronisme n’a besoin de mobiliser les masses qu’en période électorale. Le seul héroïsme mis en scène est donc celui de Macron et ne peut inspirer l’imitation. Le macronisme n’éduque donc pas les individus à être des héros mais des larbins : il n’y a pas de narratif où des pauvres adhérant à l’idéologie deviennent ministres ou députés.

12. Puisque la guerre permanente et l’héroïsme sont des jeux difficiles à jouer.
l’Ur-fasciste transfère sa volonté de puissance sur des questions sexuelles. Le macronisme a proclamé la lutte contre les violences faites aux femmes grande cause du premier quinquennat, mais rien n’a été fait en réalité. Le machisme se porte bien en Macronie, comme l’ont montré les affaires Abad et Darmanin.

13. "L’Ur-fascisme se fonde sur un populisme qualitatif".
Pour l’Ur-fascisme, les individus n’ont pas de droits, le peuple est conçu comme une entité monolithique exprimant la volonté commune. Macron ne représente pas une majorité de français. Il a été élu, tout ce qu’il fait reflète donc la volonté du peuple. Ce mythe circule partout, justifiant même la confiscation par l’exécutif du pouvoir législatif. Dans un pays où l’abstention est très élevée, le peuple peut cependant tenter de redevenir acteur politique, comme l’ont démontré les Gilets Jaunes, qui ont été violemment réprimé : le seul peuple qu’admet le macronisme est donc, comme l’indique Eco, une "fiction théâtrale". Pour avoir un bon exemple de populisme qualitatif, plus besoin de Piazza Venezia ou du Stade de Nuremberg. Notre avenir voit se profiler un populisme télé ou Internet, où un groupe de citoyens peut-être présenté et accepté comme "la voix du peuple". La liberté de la presse a été un des vecteurs fondamentaux de la diffusion des idées, mais les médias sont désormais au service d’une entreprise fascisante. Aujourd’hui presque tous sont possédés par quelques hommes d’affaires qui s’en servent pour façonner l’opinion, construire l’hégémonie culturelle du capitalisme libéral, et rendre toujours plus acceptable leur domination.

14. Le dernier point soulevé par Umberto Eco est que l’Ur-fascisme parle la novlangue.
La novlangue se caractérise par un lexique pauvre qui va de pair avec l’anti-intellectualisme déjà évoqué, mais aussi par l’inversion du sens des mots. Je prendrai deux exemples. Le premier est la métaphore de la prise d’otages appliquée aux grèves, qui reflète la puissance de la machine médiatique comme créatrice d’opinion. Dans sa bouche, l’expression "prise d’otages" criminalise les luttes sociales. Quand les médecins se mettent en grève pour exiger le doublement du tarif de la consultation, aucun média ne parle de prise d’otages, mais les employés SNCF sont des gueux et il est insupportable que des gueux se rebellent. Le second exemple de manipulation est lui aussi très actuel : les activistes de Sainte Soline ont été qualifiés d’éco-terroristes quand rien dans leur action ne suscite la terreur. Darmanin  a utilisé ce terme à propos des actions contre les méga-bassines, mais se refuse à qualifier de terroriste l’attentat commis par un homme motivé de son propre aveu par le racisme, au cours duquel il a assassiné trois kurdes. Avec la généralisation du journalisme de préfecture, il devient difficile de savoir si ce sont les politiques qui transforment la langue pour fournir aux médias leur récit propagandiste, ou les médias qui créent et adoptent spontanément cette novlangue pour complaire au pouvoir.



Pour conclure, sur de nombreux points le macronisme s’apparente à un fascisme, dont il emprunte des caractéristiques idéologiques et psychologiques. Mais il se distingue des fascismes traditionnels par la faiblesse de sa base populaire, et par le fait qu’il ne cherche pas à l’élargir. Macron n’a cure de rassembler les français. Il a juste besoin d'en rassembler assez pour se retrouver face à MLP au second tour de la présidentielle. Ceci fait de LREM un parti traditionnel, même s’il pousse loin les logiques d’asservissement de l’État aux intérêts privés. Macron poursuit de manière accélérée les contre-réformes néo-libérales : l’autoritarisme et la répression violente le distinguent certes de l’exercice du pouvoir tel que la France l’a connu dans son histoire récente, mais il ne se propose pas d’influer sur tous les aspects de la vie des Français.

Le macronisme rechigne à déployer son énergie dans la constitution de milices, ce qui se comprend puisqu’il dispose de la plus grande milice qui soit : la police nationale, jamais purgée de ses éléments collabos ou néonazis. Parallèlement, les attaques de groupuscules d’extrême-droite se multiplient sans que le gouvernement s’en inquiète. Il est envisageable qu' il laisse agir impunément des groupes armés qui feront régner un climat de terreur parmi les forces progressistes déjà très touchées par la répression policière des Gilets Jaunes. Avec l’approbation d’un peuple fantoche mis en scène par les chaînes de télé réactionnaires, le macronisme délèguerait ainsi à l’extrême-droite traditionnelle certains modes d’action de l’Ur-fascisme, lui permettant de continuer à se présenter comme respectablement démocratique.

Violette Vénère


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Message par chapati Sam 2 Déc 2023 - 1:36

Autre chose que les mots creux des ploucs qui font la politique d'aujourd'hui




Et ceux qui trouvent ça trop long n'ont qu'à aller lire cet article de l'Obs ou se contenter de visionner les liens qui sont fournis.

Réponse des intéressés.
Marine Tondelier a répondu à Jean-Luc Mélenchon qui feint de ne pas comprendre la nature des désaccords. "Elle est claire et a été dite et redite publiquement. Nous ne pensons pas que le bruit et la fureur doivent s’imposer dans des relations entre partenaires", a déclaré la Secrétaire nationale des Verts.
Olivier Faure a lui aussi rappelé les raisons de l’éloignement socialiste. "Une coalition, c’est la recherche permanente de ce qui nous est commun pour porter les ruptures nécessaires, pas l’alignement sur qui que ce soit".

https://www.huffingtonpost.fr/politique/article/accuses-par-jean-luc-melenchon-d-avoir-tue-la-nupes-olivier-faure-et-marine-tondelier-repliquent_226538.html
Dommage qu'ils soient amnésiques. C'est pourtant par rapport au fait que Mélenchon a refusé de qualifier le Hamas d'organisation terroriste qu'ils ont commencé leur cirque. Jusqu'à aller se montrer à la manifestation contre l'antisémitisme au moment même où l'on accusait Mélenchon d'antisémitisme.
Moi, on me traiterait de raciste, j'apprécierais pas !
Marine, Olivier... ça y est, t'as compris ?
En clair, ils ont pas été foutus de comprendre le pourquoi de sa position et ont sauté tête baissée dans le piège à con tendu par le fameux "arc républicain". Ils ont pas compris que reprendre le justificatif dont un psychopathe se sert pour massacrer une population, c'était pas exactement responsable, comme discours politique. Trop compliqué pour eux. Ils se sont fait dicter la façon de pensée - ou devrais-je dire de manipuler les esprits - du cher arc républicain, Borne et Le Pen main dans la main !

Sur le moment, j'avais employé le terme de "boulets", Mélenchon a employé le terme de "boulets" au dessus (il me fait rire).


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Message par chapati Ven 8 Déc 2023 - 1:36

Mais que cherche donc Jean-Luc Mélenchon ? (tribune dans l'Obs)

Mélenchon cherche-t-il à dessein à se rendre détestable ? Depuis quelques semaines, il radicalise une posture antisystème qui est une de ses lignes stratégiques. Mais pourquoi poursuivre cette stratégie qui semble lui coûter en termes de popularité et de légitimité à gauche, où LFI apparaît désormais "plus dangereux" que le RN. Y a-t-il une stratégie d’ailleurs ? Il y a en tous cas une cohérence qu’il faut analyser, même si elle défie les catégories d’entendement traditionnelles.

Mélenchon est trop souvent présenté comme un idéologue. C’est pourtant un pragmatique, soucieux en toutes circonstances de rester agile, qui analyse toujours le rapport de force du moment. Depuis des années, il oscille selon les opportunités entre une approche populiste (cliver le peuple contre les élites) et une démarche classique de rassemblement à gauche. Mais il n’a jamais renoncé à la première posture. Il croit fondamentalement que rassembler la gauche autour de ce qu’elle est devenue ne suffira pas pour gagner. L’électorat manquant n’est pas les catégories rurales mais un autre électorat devenu essentiel, les catégories "racisées" et les Français musulmans. Le public visé, ce sont les abstentionnistes structurels, dégoûtés par la politique. Le discours antisystème est censé les réintégrer dans le jeu électoral. Mélenchon a énoncé très clairement cette cible lors d’un débat de l’Institut La Boétie en septembre dernier : "Le gros de la troupe qui va nous faire gagner ce sont les quartiers, qui votent à 80 % pour nous, mais dont 30 % seulement vont voter. Si nous montons à une participation égale à celle de la société, nous avons gagné. La priorité, c’est de les convaincre, eux". Dans la perspective d’un deuxième tour à la présidentielle, les abstentionnistes constituent une réserve essentielle pour l’emporter. Les cadres LFI pensent qu'une qualification pour le second tour modifierait les données et que les abstentionnistes basculeraient dans le camp du changement.

L’explosion récente de la Nupes ramène Mélenchon à sa ligne la plus tribunitienne et populiste. Retour à la case départ. A l’évidence, il prépare une quatrième candidature. Il fait en ce sens un double pari.
-Le premier est qu’aucune personnalité politique de son envergure et de son expérience ne pourra à gauche le concurrencer. Le leader LFI traversent une mauvaise passe dans l’opinion ? Pas grave, ils en ont vu d’autres.
-Le deuxième est que la dédiabolisation du RN conduise à une forme de normalisation. Dans ce contexte, les insoumis doivent apparaître comme l’ultime forme de radicalité et la dernière force antisystème, ce qui justifie la stratégie de l’affrontement à tout prix. C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre le choix de ne pas prend part à des manifestations contre l’antisémitisme aux côtés de l’extrême droite. Il faut d’autant plus incarner cette radicalité que la situation économique, écologique, financière, sociale… va inéluctablement se dégrader selon JLM. Sa rhétorique antisystème est inséparable d’un imaginaire et d’une prophétie du chaos.

Ainsi, sa stratégie retrouve une forme de cohérence. Ne pas être associé, coûte que coûte, aux forces du système : voilà sa ligne d’action. La stratégie de la conflictualité dans une société de plus en plus fragmentée et polarisée est très risquée. Elle prospère sur le combustible de la défiance à l’égard des institutions. Or exciter la défiance est mortifère, peut se retourner contre la gauche. Et s'il était devenu le problème plus que la solution ?

https://www.nouvelobs.com/opinions/20231207.OBS81814/tribune-mais-que-cherche-donc-jean-luc-melenchon.html

C'est pas mal jusqu'à ce qu'apparaissent les limites somme toute naturelles à tout opposant, qui ne peuvent in fine que lui faire conclure que Mélenchon ne peut être qu'un problème.

Premier point, avant que de parler de pari ou de stratégie, il faut peut-être de se poser la question : que peut-il faire d'autre, vu les formidables têtes de stratèges des autres membres de la Nupes ? Continuer à ménager des gens qui, alors que le chef de la Nupes est stigmatisé comme antisémite depuis une semaine, se précipitent pour aller se montrer à une manifestation contre l'antisémitisme ? Tu parles d'une alliance ! S'ils sont assez cons pour ne pas comprendre que se faire traiter de raciste quand on ne l'est pas, c'est insupportable, il n'y a rien à attendre d'eux. Et s'ils croient eux-mêmes Mélenchon raciste, alors le fait est qu'ils crèveront plutôt que de lui dire en face. Autant dire que des alliés pareils, ça s'appelle des boulets.

C'est à cause de cette accusation d'antisémitisme qu'il ne pouvait aller à la manifestation, mais aussi bien sûr à cause des arrières-pensées pro-Israël qui y dégoulinaient de partout. Faut-il que l'auteur ait raté une marche pour ne pas s'en être aperçu, à moins qu'il n'ait lui-même acquiescé aux aboiements honteux de "l'arc républicain". Marrant aussi que ces gens n'aient pas vu que l'extrême-droite, c'était essentiellement l'excuse pour ne pas y aller, quand bien même un tel voisinage aurait suffi à en dispenser quelques uns.

Ne pas être associé aux forces du système ferait partie de la stratégie de JLM, poursuit Lefebvre. Ma foi, quand un système amène à ce que le discours politique et médiatique soit à 200 % en faveur du massacre en cours d'un peuple, on peut aussi avoir des raisons de ne pas y adhérer, stratégie électoraliste ou pas, chaos ou pas.

Et donc Mélenchon serait le problème, conclut l'auteur. Admettons mais alors elle est où, la solution ? Hidalgo, Jadot, Roussel, Faure, Ruffin, Autain ?
Mathématiquement, Mélenchon ne pourrait être un problème QUE s'il existait une possibilité de solution !


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Message par chapati Mer 17 Jan 2024 - 15:09

Plenel / Mélenchon... et autres bidules trotskystes

Un internaute m'avait vaguement expliqué que la guerre que Plenel fait à Mélenchon daterait d'une vieille histoire où il aurait été question de "lambertistes". Or Laurent Mauduit, l'un des fondateurs de MDP, annonce justement dans un billet avoir  écrit un livre le sujet.
J'ai appris par ailleurs qu'existeraient trois branches issues du trotskisme. Trois branches qui se seraient fait la guerre depuis toujours sans jamais parvenir à s'entendre : 1) Lutte Ouvrière (Laguiller, Arthaud) ; 2) Ligue Communiste Révolutionnaire (LCR où était Plenel) puis NPA de Besancenot ; et 3) Parti des Travailleurs (PT ou OCI où fut Mélenchon), dit lambertistes.

La thèse de Mauduit est que Mélenchon reproduirait "culturellement les traits les plus caractéristiques des lambertistes : un rapport problématique à la démocratie, une conception autoritaire et verticale du pouvoir, une hostilité envers les médias, un imaginaire géopolitique de guerre froide, un faible pour les hommes forts".

Est-ce qu'on peut croire que JLM, cinquante ans après, serait encore à ce point marqué par de tels amours de jeunesse ? Chacun appréciera, j'imagine qu'au moins, ça se discute. L'autre question plus immédiate qu'on peut se poser est de savoir quel genre de types sont ces gens de Médiapart pour s'accrocher depuis cinquante ans à ce genre de choses, jusqu'à peut-être écrire des livres pour justifier leurs positions. Rapport à la démocratie, conception autoritaire et verticale du pouvoir, hostilité envers les médias, c'est certes en tous cas possible. Il n'empêche qu'on ne peut balayer d'un revers de main les questions qui interrogent les liens sur des sujets tels que pouvoir et usurpation de pouvoir, et encore contre-pouvoir et compromissions avec le pouvoir, le tout en se contentant de caresser dans le sens du poil une doxa qui amène les lecteurs à gober des concepts souvent plus idéologiques qu'autre chose : ces questions sont bien de vraies questions.

Resterait pour finir à savoir si un régime totalitaire pacifique n'est pas préférable à une démocratie génocidaire. Et c'est bien la démocratie qui, en France en tous cas, nous amène à nous poser actuellement ce genre de questions : qu'est-ce qu'une démocratie qui amène à voter Nétanyahu ou pour un type qui fait une campagne présidentielle armé d'une tronçonneuse ?

                                                                                      ***

Mes interrogations concernant la démocratie ne sont pas du tout le problème de Jean-Pierre Boudine, honnête homme pour ce que j'ai pu en juger, et militant de l’OCI de 1967 à 1983. Boudine pense certes en termes de lutte des classes (ce qui m'est quasi étranger), et commente bien mieux que je ne saurais le faire le livre dans un billet de blog de Médiapart. Résumé :

L'objet du livre est de démontrer une filiation entre Lambert et Mélenchon. Les auteurs estiment que la cause gagnerait à ce que JLM quitte la scène, et pensent que certaines vilenies du premier jettent l’opprobre sur le second. Je crois que la question est mal posée. Tout d’abord, l’insistance sur le trotskisme du jeune Mélenchon me paraît factice. Oui, JLM a été coopté à l’OCI. Il y a appartenu deux ans, et s’en est éloigné. Mais je crois avoir lu qu’il avait soutenu à cette époque le mouvement autogestionnaire de Charles Piaget, les LIP ! Or à tort ou à raison, l’OCI condamnait l’autogestion. Comme d'autres après 1968, JLM, qui se voulait du côté des ouvriers, n’a pas été tenté d’adhérer au PCF. Il a lu Trotski et s’est d’abord engagé de ce côté, puis a rapidement rejoint le parti socialiste qui correspondait bien mieux à ses aspirations. Je ne suis pas davantage convaincu par l’emphase à propos du trotskisme de Lionel Jospin ou de Cambadélis.

Qu’est-ce qu’être trotskiste ? Je ne pense pas que ce soit une bonne question. Je suis du côté du monde du travail. Je pense que le travail est la seule source de valeur, qu’il y a des classes sociales et une lutte des classes. Je souhaite donc que la classe des travailleurs renverse la domination de classe. Avec Trotski j’ai admis que la révolution d’Octobre 1917 a été trahie, et aussi qu’on pouvait être à la fois honnête, lucide et habile. Ces convictions guident encore ma pensée et mon action, et sont adaptables à notre époque. Je ne vois pas donc d’inconvénient à me dire "trotskiste". Par conséquent, je ne pense pas que Jospin, estimable premier ministre "homme de gauche", ait jamais été trotskiste, de même que Mélenchon.

Les similitudes entre Lambert et Mélenchon n’ont pour moi guère de sens. L’un et l’autre ne reconnaissent pas leurs erreurs, n’aiment pas qu’on les contredise, s’entourent de dévots et éliminent ceux qui peuvent leur faire de l’ombre. Mais l'on on peut dire cela d'autres. Il y a même des hommes et des femmes présentant les mêmes défauts à la tête de rédactions de grands périodiques, chefs d’entreprise, dirigeants syndicaux et jusque dans les familles les plus ordinaires. Il y a cependant une similitude entre eux, c’est qu’ils sont tous deux du côté des travailleurs. C’est évident pour Lambert, issu d’un milieu ouvrier, et c’est le cas de Mélenchon, petit bourgeois d’origine qui a perdu trente ans de sa vie dans des manœuvres aussi compliquées que vaines mais l’a toujours fait dans le sens d’un réformisme sincère, en faveur du travail.

Nos auteurs lui font grief de n’avoir pas condamné les exactions des jeunes commises durant les émeutes consécutives au meurtre de Nahel. Jamais le mouvement ouvrier n’a approuvé les pillages. Mais c’est la domination de classes qui suscite la violence et le chaos social. Il n’appartenait pas à JLM de jeter la première pierre aux jeunes révoltés. Mélenchon aurait commis, selon M&D, une grave faute morale en hésitant à utiliser le mot de "terroriste" à propos de l’agression du Hamas du 7 octobre. Là encore, j’y vois la réaction d’un honnête homme : les hommes du Hamas se sont conduits ce jour-là comme des barbares. Mais qu’est-ce qui en a fait des barbares, sinon 80 ans d’occupation, de vols de terres, de meurtres, de massacres, de bombardements aveugles, commis par l’occupant israélien ? Du reste, sa position ne lui a pas nui auprès des travailleurs, contrairement à ce qu’ont voulu croire nos auteurs. La terrible vengeance génocidaire des israéliens contre la population gazaouie qui se déchaîne depuis lui donne plutôt, rétrospectivement, raison.

J’ai beaucoup de critiques politiques à adresser à JLM, mais qu’il soit du coté des exploités et des opprimés, je ne peux pas le lui reprocher. Pas non plus, contrairement à M&S, d’avoir refusé d’appeler à voter Macron aux seconds tours des élections de 2017 et de 2022. Un leader qui se situe du côté du peuple travailleur n’appelle pas à voter pour le banquier, pour les patrons. Pour l’ennemi de classe. En conclusion, il me semble qu’il y a bien une filiation, une sorte de continuité, à relever , non pas entre Lambert et Mélenchon, mais entre LFI et l’OCI. Selon M&S, quand Mitterand se soumet en 1983 aux diktats des classes dominantes (sous couleur de rester dans le système monétaire européen), JLM a confié que pour s’y opposer, il aurait fallu un mouvement social et qu'il n’y a pas eu. Toute une série de questions sont posées par ce moment, qui concernent tant l’action 'lambertiste" que dans l’aventure mélenchonienne 25 ans plus tard. M&S ont décrit comment Lambert a tissé un réseau de contacts et de relais dans toutes sortes de milieux politiques, syndicaux, associatifs. En soi, un tel dispositif n’est certainement pas contraire à la conception léniniste. Mais à quoi ont abouti les efforts de Lambert ? À ceci qu’au moment où "la gauche au pouvoir" se couche, "l’avant garde" (sic) qui a fait voter Mitterrand trois ans plus tôt s’avère incapable d’aider les classes travailleuses à réagir !

En 1968, la FER a été capable de se faire l’écho d’une exigence : que les travailleurs viennent au secours des étudiants face à la police. Et il y a eu une immense manifestation de travailleurs à Paris le 13. Puis la même, avec l’OCI s’est fondue dans la Grève Générale. Mais nous n’étions que quelques centaines. En 1983, contre le tournant "de la rigueur", il ne s’est rien passé. Et pendant les 20 ans suivants, c’est une sorte de désert politique dans lequel on entend tomber le mur de Berlin puis l’URSS, le pouvoir d’une bureaucratie corrompue à une oligarchie mafieuse. Et en 1992, il y a eu le Traité de Maastricht, auquel Mélenchon a fait la faute de se rallier. Dans ce désert, le PCF poursuit son déclin, quand au PS, il prend un grand coup sur la tête en 2002. Mais en 2005, la victoire du NON réveille la gauche dite "radicale". Elle se retrouve, à l’élection de 2007 éparpillée en cinq candidats qui totalisent un peu plus de 10 % des voix, Ségolène Royale en obtient presque 26 %. Cinq ans après, Hollande, fait 28 % au premier tour et gagne ensuite. Mélenchon est candidat avec le soutien du PCF et du PG, qu’il a créé en 2008. Il est à un peu plus de 11 %. Il a en partie rassemblé la "gauche radicale" (sauf Poutou et Arthaud) mais est largement devancé par MLP.

C’est dans les années suivantes que quelque chose de nouveau va se produire. Hollande inscrit toute son action dans les objectifs de l’oligarchie libérale européenne. Résultat, son parti perd ses adhérents (l’effectif passe en quelques années de 160 000 à 40 000) et ses électeurs (de 28 à 6%). Après l’échec de Jospin et de Royale, c’est le "succès" de Hollande qui casse les reins du PS : la gauche "historique" est réduite à presque rien. Et quelque chose d’autre a surgi. Au plus fort de l’OCI, nous étions six mille militants. Au vu de notre impuissance lors du "tournant de la rigueur", ils se font la malle. En avril 2017, la position que prennent les six cent mille soutiens de Mélenchon est, en un sens, comparable : ils ne sont dupes ni du capital, ni du PCF, ni du PS. Ils sont cent fois plus nombreux. Je dis que c’est une résurgence de ce qui s’est perdu en 1983. Seulement ils ne sont pas organisés. En 2017, JLM avait la possibilité de créer le plus grand parti de gauche de France, simplement en faisant imprimer cinq cent mille cartes de la FI, en faisant rédiger des statuts, en convoquant un congrès de fondation. Il ne l’a pas fait. Il n’a pas non plus profité de sa position pour faire la NUPES en 2017 plutôt que cinq ans plus tard. Ainsi, il a gravé en 2017 son échec en 2022. Pourquoi a-t-il agit ainsi ? La réponse lui appartient. Ce qui est certain c’est qu’à tous les niveaux, LFI est agitée par des querelles. En même temps, beaucoup trop de militants acceptent de bon cœur l’absence de démocratie et l’acquiescement obligatoire à tout ce que fait le chef...


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Message par chapati Lun 22 Jan 2024 - 16:15

Lettre de Ruffin à Glucksmann (qui lui avait proposé un dialogue)

Vos propos me paraissent ceux d’une élite qui avance avec arrogance et inconscience. C’est un chemin inquiétant pour la gauche, même pour le centre-gauche. Comme si les vingt dernières années n’avaient pas compté. Comme si le "non" au référendum de 2005, les gilets jaunes voire les manifestations contre la retraite Macron n’avaient pas existé. Comme si les élections de 2017 et de 2022 n’avaient pas acté, dans les urnes, les ruptures à gauche. Comme si on repartait pour un tour, avec une "social-démocratie" à la papa.

Prenons dans l’ordre. Commençons par le référendum. Le "non" populaire fut balayé, méprisé par Sarkozy et Hollande. Et l’Union européenne, comme le reste, a continué comme avant. Ce mépris nourrit un profond ressentiment. Parfois, le couvercle saute, ainsi en 2018 quand les Gilets jaunes se sont installés sur les ronds-points. Puis la France a enchaîné : la crise Covid, la guerre en Ukraine, la réélection de Macron. Et avec son hubris, sa folie, plutôt que d’apaiser, plutôt que de rassembler, il est venu déchirer encore : la réforme des retraites, seul contre sept Français sur dix, contre neuf salariés sur dix, contre les syndicats unis, des manifs records et même contre les députés. "Il faut accepter d’être représentés", dites-vous. Mais les gens l’acceptent : ce qu’ils refusent, c’est d’être trahis. Et les dernières expériences n’inspirent pas la confiance. D’où l’exigence d’une part de démocratie plus directe par des grandes consultations populaires. Vos propos, à l’inverse, invitent à poursuivre dans un "cercle de la raison" que vous et les vôtres incarneriez. A remettre notre destin entre les mains d’élites, de représentants, qui suscitent désormais méfiance, défiance.

Sur l’élargissement à l’Ukraine. Vous dites : "Si vous votez pour nous, nous soutiendrons l’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne. Si vous êtes farouchement hostile à cette adhésion, je vous propose de voter pour la liste du RN". D’où parlez-vous ? Quel prix ont payé vos proches aux précédents élargissements ? C'est au nom de la solidarité, des valeurs, que les dirigeants ont ouvert l’UE à la Pologne, la Hongrie, la Roumanie etc. Avec quelles conséquences ? Des délocalisations en série. Un million d’emplois industriels détruits. Et vous voudriez que l’on signe, à nouveau, les yeux fermés ? Qu’on rempile avec 44 millions d’Ukrainiens au salaire moyen de 373 €. Sans garantie ? Sans se demander qui va en payer le prix ? Que l’on doive solidarité à un pays agressé, cela va de soi. Mais pourquoi nous refaire les années 1990 avec les gentils ouverts, tolérants et pacifiques contre les méchants fachos ? Vous n’avez donc tiré aucun bilan ? Nous avons déjà donné, en vies brisées. Et à eux, vous faites la leçon. Vous incarnez pleinement votre classe. Qui sait pour tous, mieux que tous.

etc

Je ne veux pas d’un retour des "deux gauches irréconciliables". Ce serait la certitude de la défaite. Car je vois se dessiner le tableau. Une partition où chacun joue son solo : une gauche radicale qui fait tout pour effrayer, et un centre-gauche tout pour désespérer. Une gauche radicale qui n’assume pas sa nouvelle centralité, qui ne s’élargit pas, qui ne grandit pas. Un centre-gauche qui revient en arrière, qui revient sur les ruptures, nécessaires, avec le triptyque concurrence-croissance-mondialisation. Je vous écris sans agressivité, mais avec un franc désaccord. Mais surtout avec inquiétude pour l’avenir de notre camp, celui de la gauche et du progrès humain.


résumé depuis https://blogs.mediapart.fr/ruffin-francois/blog/190124/cher-raphael-glucksmann

Là-dessus on peut mentionner un billet de blog dans MDP qui ne se satisfait pas de la lettre de Ruffin et le fait savoir :
Vous dites ne pas vouloir le retour des "deux gauches irréconciliables". Mais ne voyez-vous pas que la désignation de Glucksmann comme chef de file de la liste PS signifie que ce retour est la choix de la social-démocratie ? Glucksmann l’assume ouvertement. Au lieu de craindre le retour de la guerre des gauches, il faudrait plutôt combattre ceux qui en sont les promoteurs, et lui en premier lieu. Je n’ai pas vu ça en vous lisant. Comme je n’ai pas vu votre rappel du fait que ce n’est pas LFI qui a sabordé la Nupes, mais bien les autres partis qui la composaient avec elle, et notamment le PS.

Sur l’Europe, à présent, et quant à un éventuel élargissement à l’Ukraine vous ne formulez de réticence que par rapport à ses conséquences socio-économiques. Argument certes légitime mais qui ignore le fond des intentions affichées par votre interlocuteur : le maintien de la conception atlantiste des relations internationales, c’est-à-dire dans la logique de guerre froide vis-à-vis de la Russie et de la Chine. Avouez que, dans le cadre d’un dialogue sur l’avenir de l’Europe, c'est loin d’être secondaire ! Aussi je m’étonne de votre silence sur ce sujet. Comme je m’en étonne également à propos des actuels événements du Proche Orient. Je peux concevoir que vous préfériez ne pas évoquer la question palestinienne, mais chacun sait que Glucksmann a milité pour le soutien inconditionnel à Israël et est l'un des plus farouches détracteurs de LFI à propos des positions que ce mouvement a pris. Votre silence sur ce qui est une situation hautement conflictuelle me trouble très sérieusement.

Ces exemples me rendent vraiment sceptique sur la portée réelle de ce dialogue, si ce n’est la tentative grossière de la part de Raphaël Glucksmann, en vous choisissant comme partenaire privilégié, de tenter d’introduire des ferments de division au sein de LFI.

résumé depuis https://blogs.mediapart.fr/jean-francois-pin/blog/210124/ma-lettre-imaginaire-francois-ruffin
Le blogueur finit en disant que Ruffin n'a sans doute pas la carrure d'un candidat sérieux à la présidentielle, et lui conseille, plutôt que de dialoguer avec Glucksmann, de le faire plutôt avec Frédéric Lordon, auteur selon lui d'un très bon billet dans Le Monde Diplomatique.

Quant à Frédéric Lordon, son billet fait le constat qu'il y a maintenant non plus trois blocs politiques (gauche, Macron, RN) mais deux : l'un qui va de Macron à l'extrême-droite (pour le reste, je le cite : "PS, EELV, PC, satellites grotesques prêts à toutes les compromissions, voués à finir concassés par la polarité des blocs") et le second et seul qui "s'en différencie", et ne comporte plus que LFI. C'est trop mâtiné de Grand Soir et il y a trop de "bourgeois" dans sa prose à mon goût, mais pour ce qui est du constat, on est en gros d'accord.

Dans Libé d'aujourd'hui, il se dit que Glucksmann devrait répondre à Ruffin. On pourrait tourner en rond encore un moment...


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Message par chapati Mar 20 Fév 2024 - 4:52

N'en déplaise à la secte, Adrien Quatennens est toujours le meilleur dauphin de Mélenchon, et de loin !



A un moment, Duhamel pose la question : "que pensez-vous de la phrase de Lulla : ce qu'il se passe à Gaza avec le peuple palestinien et ce qu'il s'est passé quand Hitler a décidé de tuer les juifs ?" Après en avoir profité pour décliner tout ce qu'il avait à dire sur Gaza en négligeant plusieurs fois la question sans cesse répétée, y compris en critiquant la gestion du conflit par la presse, Quatennens finit par accéder à la demande de Duhamel en lâchant : "non, il n'y a pas de signe 'égal' à mettre, mais s'il faut faire preuve d'un peu moins de nuances sur cette question-là pour se faire entendre, alors oui, je supporte qu'on fasse preuve d'un peu moins de nuances". Il "supporte"... magnifique façon de répondre et fin de l'offensive Duhamel.


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Message par chapati Mar 27 Fév 2024 - 9:21

Barbara Stiegler (je le mets dans "Politique" aussi)

Barbara Stiegler dit avoir toujours été passionnée par la politique. Elle est farouchement "démocrate" (et de gauche, ce qui ne gâche rien). Bref, j'ai envie de remettre ici le lien vidéo déjà posté dans "à boire et à manger", avec pour les paresseux (c'est long) un résumé de son propos.



Le libéralisme, c'est ou c'était laisser faire les choses. Cette doctrine aurait pu fonctionner dans l'environnement de type "village" qui a longtemps été le nôtre, un environnement composé d'interactions quasi immuables entre les gens, et laissant donc place à peu d'informations "globales". Mais elle serait de moins en moins viable dans l'environnement actuel (global justement : mondialisé, urbain, etc).

Vers les années 1930, laisser faire les choses était d'autant en train d'échouer (crise de 1929) qu'il s'avérait que le "peuple", selon le constat d'un dénommé Walter Lippmann (un type politiquement important pour Stiegler qui en parle abondamment), serait non seulement incapable de penser les choses globalement (tout occupé à ses problèmes locaux), mais ne serait en outre pas "fiable", au point d'en venir à préférer les régimes autoritaires aux démocraties (à l'époque le fascisme, Hitler etc).

En bon américain, Lippman jugeait la mondialisation non seulement souhaitable mais inéluctable. Et sans doute pour contrer ce désir de ce totalitarisme ambiant, il était question selon lui de ce que l'on a appelé plus tard "la fabrique du consentement" (Chomsky, Herman). D'un consentement "global" donc : économique et social, mais qui devait aussi passer par le culturel (incluant les modes de pensée etc). Sauf que les gens s'avérant peu ouverts à cela : il fallait selon lui les adapter à ce nouvel environnement, en fait les ré-éduquer (et l'on voit bien que la capacité d'adaptation est devenue un maître-mot du discours moderne). Adapter l'homme à ce nouvel environnement bien moins stable qu'avant, de plus en plus en mouvement, c'est le chemin qui ferait passer du libéralisme au néo-libéralisme, à savoir au retour de l'état dans le jeu.

Selon Stiegler, l'adaptation en question serait aujourd'hui de plus en plus en butte à des résistances populaires (type gilets jaunes etc). Lesquelles résistances feraient que l'état néo-libéral se sentirait menacé, et ne trouverait du coup plus rien d'autre que la force pour faire plier "le peuple" (notons par exemple qu'elle voit globalement Macron comme un aristocrate farouchement opposé à l'idée de démocratie). Et c'est ainsi que les supposées démocraties - ou qui se présentent comme telles - en seraient actuellement à devenir de plus en plus autoritaires, voire violentes.

La chronologie politique qu'elle développe m'était totalement étrangère. Si je l'avais eu en tête, j'aurais peut-être par exemple été moins interloqué par la gestion de la crise du covid. Mais disons-le franchement, si je ne suis pas compétent pour juger de la crédibilité d'un tel récit, j'ai du mal à trouver à redire quant au constat qu'elle fait de l'état politique du monde (occidental).


Si l'on veut, on peut visionner une discussion avec François Ruffin au temps du covid (mars 2021), où l'un des intérêts est de prendre conscience d'un certain pessimisme de ce dernier, possiblement à mettre en perspective avec une idée de "grand soir" qui n'est semble-t-il pas la motivation principale de Stiegler, en tous cas pas le moteur ultime de sa réflexion.



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