A boire et à manger

L’organisation historique de lutte contre le sida connaît de fortes tensions internes depuis l’attaque terroriste du Hamas du 7 Octobre en Israël. Des militants veulent soutenir publiquement les Palestiniens, quand d’autres membres, juifs, ne se sentent plus les bienvenus et dénoncent des "propos antisémites". Eva Vocz, une femme juive salariée de l’association, se dit "profondément heurtée". Mais certains militants, dont Françoise Gil, dénoncent une "instrumentalisation". En février, Françoise Gil est radiée d’Act Up-Paris. Lui est notamment reproché d’avoir traité Eva Vocz, dans son dos, de "sioniste". Françoise Gil réfute tout antisémitisme. "Dans ce cas de figure, c’était “sioniste” pour ne pas dire “juive”», lance Eva Vocz.

https://www.liberation.fr/societe/act-up-paris-se-dechire-sur-fond-daccusations-dantisemitisme-20240404_INVO7BA5RZGPLND5OVOQJHPYYQ/

Au Royaume-uni, plus de 600 juristes pressent le premier ministre de cesser les livraisons d’armes à Israël.

Les auteurs de la lettre estiment que le pays pourrait, s’il n’arrête pas les ventes d’armes à l’Etat hébreu, se rendre coupable de complicité d’actes génocidaires dans la bande de Gaza.

https://www.lemonde.fr/international/article/2024/04/04/au-royaume-uni-plus-de-600-juristes-pressent-le-premier-ministre-de-cesser-la-livraison-d-armes-a-israel_6226007_3210.html

Le recensement des milliers de victimes de l’offensive israélienne dans l’enclave a été rendu très complexe par l’ampleur des destructions. Mais cette difficulté ne permet pas d’expliquer des anomalies qui mettent à mal l’affirmation selon laquelle les femmes et les enfants représenteraient 70 % des personnes mortes.

https://www.liberation.fr/checknews/gaza-des-incoherences-majeures-dans-les-chiffres-demontrent-que-le-hamas-a-minore-la-part-des-hommes-parmi-les-victimes-20240408_DHP4EWTWLFF4TITB4JWTJAEM7Y/

La politique étrangère française au Moyen Orient fracture la société
Beaucoup de dirigeants des pays occidentaux ne se rendent pas compte que leurs positions sur le conflit aggravent les divisions nationales, soutient le médecin Mohamed Salah Ben Ammar, chef de service à l’hôpital des Quinze-Vingts à Paris.

Comment expliquer à une jeunesse française d’origine maghrébine, qui souffre quotidiennement d’ostracisme, du délit de faciès, qui est stigmatisée et qui entend à longueur de journée des théories sur sa capacité à s’intégrer, comment lui expliquer que la vente d’armes à Israël par les grandes puissances (les Etats-Unis, l’Allemagne et dans une moindre mesure la France) a continué alors que des milliers de femmes et d’enfants étaient massacrés ?
Désormais, sur les réseaux sociaux, des messages reflétant ce malaise circulent quotidiennement. On compare le statut de musulmans en France à celui de juifs. Comment expliquer à ces jeunes que ce n’est pas une guerre de religion quand des têtes bien remplies expliquent que c’est la guerre de l’Occident civilisé contre les barbares, que c’est la guerre pour la démocratie contre l’obscurantisme ?

L'intégrale de cette excellent tribune dans Le Nouvel Obs.

- Joe Biden s’attend à ce que l’Iran attaque "bientôt" l’Etat hébreu : "Je ne veux pas donner d’information confidentielle mais je m’attends à ce que cela soit bientôt (...) Nous aiderons Israël à se défendre et l’Iran échouera".
- "Si l’Iran mène une attaque, Israël répondra et attaquera l’Iran", a prévenu le chef de la diplomatie israélienne.

https://www.nouvelobs.com/monde/20240412.OBS87035/guerre-israel-hamas-joe-biden-s-attend-a-ce-que-l-iran-attaque-bientot-l-etat-hebreu.html

Israël nous mène à la guerre totale.

En assassinant un dirigeant iranien dans son ambassade en Syrie, Netanyahu ne commettait pas un de ces crimes et une de ces violations du droit international désormais ordinaires pour lui. Il provoquait une nouvelle étape de la situation de guerre. Sciemment, ouvertement. Le but était d’obtenir une réaction en riposte de l’Iran. De cette façon il s’agit de redonner à son gouvernement de l’air pour respirer, face à l’isolement sans précédent dans lequel il a placé son pays avec le génocide en cours, sous la pression d’opinions publiques horrifiées.  
Les discours de Netanyahu fanatisent chaque jour davantage, au point où de jeunes soldats acceptent avec enthousiasme de sniper des enfants, d’écraser des gens sous un char ; au point de voir des israéliens tenter d’empêcher les camions d’aide humanitaire d’entrer à Rafah ou manifester pour demander la colonisation du Liban Sud.
Nous pouvons prévoir chaque étape de l’escalade.
L’Iran répliquera, c’est une évidence. Quel pays peut accepter de voir ses responsables assassinés dans une ambassade par un autre pays ? La seule question est de savoir si les États-Unis feront de cette réplique un prétexte pour accompagner encore Netanyahu dans la guerre totale qu’il entreprend pour mettre toute la région à sa main. S’ils le font, nul ne peut dire jusqu’où ira l’escalade.
Les chiens de guerre de tous poils vont être mobilisés. Ils le feront avec une nouvelle vigueur : il ne leur sera plus demandé de soutenir un génocide qui finissait par leur être pénible à justifier. On va leur demander de combattre l’Iran, le régime des mollahs, et ainsi de suite. L’Iran est un bon chiffon rouge pour ce travail. Sa politique odieuse contre les libertés individuelles et les droits des femmes, ses campagnes de pendaison contre les opposants, ses vagues de répression lui valent un dégoût et une réprobation justifiés.
Les petits soldats de plomb médiatiques feront ce qu’il faut pour effacer les causes de la situation. Ce qui reviendra à donner carte blanche à l’escalade suivante : les frappes de représailles sur le territoire iranien. Comme d’habitude, la moindre pensée critique à l’égard de Netanyahu sera qualifié "d’antisémite", le refus de la guerre "d'esprit munichois", le soutien à la souveraineté de l’Iran de "complicité avec l’islamisme radical".

https://melenchon.fr/2024/04/13/netanyahu-nous-mene-a-la-guerre-totale/

"Conduite sur la base de l’article 51 de la Charte des Nations unies relatif à la légitime défense, l’action militaire de l’Iran répondait à l’agression du régime sioniste contre nos locaux diplomatiques à Damas".
"L’affaire peut être considérée comme close".
"Toutefois, si le régime israélien commet une nouvelle erreur, la réponse de l’Iran sera considérablement plus sévère. Il s’agit d’un conflit entre l’Iran et le régime israélien voyou, dont les Etats-Unis DOIVENT SE TENIR À L’ÉCART !".
(Afp du 14 avril 2024)

Sydney, 13 avril
En marge de l’attaque au couteau dans un centre commercial de Sydney qui a fait six morts et plusieurs blessés, plusieurs noms, présentés à tort comme étant ceux de l’assaillant, ont été massivement partagés sur les réseaux sociaux. Notamment celui de Benjamin Cohen, un étudiant juif de la région de Sydney. La police australienne a rapidement expliqué que "rien" ne suggérait un éventuel motif terroriste, parlant d’un attaquant de 40 ans avant de préciser que ce dernier souffrait de problèmes de santé mentale. Avant cette confirmation, et comme souvent lors des attaques de ce type, des spéculations ont inondé les réseaux sociaux. Différents relais ont rapidement publié des posts, suggérant que l’attaquant serait un homme juif ou un "sioniste pro-israël",

https://www.liberation.fr/checknews/attaque-de-sydney-comment-benjamin-cohen-a-ete-faussement-accuse-dans-les-medias-et-sur-les-reseaux-sociaux-20240414_IAJD73AGFRGGJKSDQJU7JSMGJM/

Sydney, 16 avril
La police australienne a qualifié d’acte terroriste une attaque au couteau commise la veille par un adolescent dans une église assyrienne de la banlieue de Sydney. Un évêque et le suspect de 16 ans, qui a été arrêté, font partie des personnes prises en charge pour des blessures qui n’engagent pas de pronostic vital. Trois autres personnes ont subi des blessures légères lors de l’attaque et une trentaine d’autres ont reçu des soins après une émeute qui s’est produite à l’extérieur de l’église. Pendant trois heures en effet, plus de 500 manifestants se sont affrontés à des policiers anti-émeutes voulant les empêcher d’entrer dans l’église et de lyncher l’adolescent.

https://www.lemonde.fr/international/article/2024/04/15/australie-plusieurs-blesses-dans-une-attaque-au-couteau-dans-une-eglise-de-sydney_6227988_3210.html

Les vingt-sept chefs d’Etat et de gouvernement veulent élargir leurs mesures de rétorsion contre le régime de Téhéran, tout en évitant toute escalade dans la région proche-orientale (lien)

Français de confession musulmane, la tentation du départ
Qu’ils aient 30 ou 70 ans. Banquier d’affaires, agent des services publics, ingénieur, professeur ou artiste, ce sont des citoyens français 'bien installés', comme ils disent. De confession musulmane et d’origine arabe aussi. "Et ça, en France, c’est la double peine, d’autant plus depuis le 7 octobre 2023". Tous dénoncent des "discours politico-médiatiques insupportables" envers les musulmans, une atmosphère "irrespirable, suffocante", un "acharnement des pouvoirs publiques"..." (lien)

Guadeloupe : Darmanin ordonne un couvre-feu pour les mineurs à Pointe-à-Pitre pour lutter contre la délinquance (lien)

Mélenchon dénonce les accusations d’antisémitisme contre lui et son parti
... après l’annulation d’un débat à l’université de Lille avec lui et Rima Hassan, candidate aux élections européennes (lien)

Attal appelle à un sursaut d'autorité (lien)

La Franco-Palestinienne a appris ce vendredi qu’elle était convoquée par la police pour des faits qui se seraient produits entre le 5 novembre et le 1er décembre. L’intéressée dit ne pas savoir ce qui lui est reproché.

https://www.liberation.fr/politique/rima-hassan-candidate-lfi-aux-europeennes-convoquee-pour-apologie-du-terrorisme-20240419_HYOV3WUDRRH4XIWRUCZRK73ALA/

Vous et nous, c’est-à-dire presque 67 millions de Français, nous ne sommes pas allés à la même école. Chez nous, il y avait les derniers, les premiers, les moyens, mais ce n’était pas le plus important. Nous formions des groupes soudés, nous étions ensemble, pauvres, riches, chahuteurs, silencieux, drôles, têtes d’ampoules et cancres agaçants, parfois contre les profs, souvent avec eux. Dans notre école, personne ne se posait la question de ce qui entrait dans nos têtes, tout le monde savait que du bon et du beau en fleurirait. Il fallait juste de la patience, et de la confiance. Dans notre école, l’important n’était pas de savoir, ou encore de savoir répéter, mais de savoir être. Dans cette école, nous crier dessus était une erreur pédagogique, une exception. Et quand cela arrivait, nous étions marqués durablement (lien Libé)

C'est une longue chaîne de mensonges. Le président de l’université, dont j’ai dit qu’il était sûrement un brave homme au plan personnel, ne croit pas un instant que des propos antisémites allaient être tenus. Le préfet non plus, qui prétextait la sécurité de la salle, mais écrivit un arrêté d’interdiction sur d’autres motifs. Le journaliste de LCI qui lance le sujet encore moins. Ni le dénonciateur qui fait semblant de s’interroger sur un logo qui "effacerait Israël". Tous mentent pour mettre en œuvre un abus de pouvoir, pour le justifier l’objet central du litige : un génocide. Ici, la banalité du mal est dans leur irresponsabilité morale additionnée (voir blog Mélenchon).

Cette décision confirme une tentative de criminaliser toutes les voix qui se lèvent face aux massacres en cours à Gaza. Nous rappelons que Rima Hassan a condamné clairement, dès le premier jour, les actions commises par le Hamas le 7 octobre en les qualifiant d’attaques terroristes". Contrairement aux propos qui lui sont imputés, elle n’a JAMAIS dit que les actions du 7 octobre étaient légitimes. Elle a rappelé que deux résolutions de l’ONU consacrent la légitimité des groupes armés mais que les massacres de civils sont des crimes de guerre, voire des crimes contre l’humanité, qui tombent sous le coup des lois internationales. Nous affirmons solennellement que rien, ni personne, ne nous empêchera de continuer à porter une parole de paix vis-à-vis des actions intolérables du gouvernement Netanyahu à Gaza (voir lien LFI).

A Sciences Po Paris, Jean-Luc Mélenchon dénonce "l’immense chaîne des lâchetés", quelques jours après l’interdiction d’une conférence à Lille. Il avait évoqué Adolf Eichmann, responsable de la logistique de la solution finale. "Moi je n’ai rien fait, disait Eichmann, je n’ai fait qu’obéir à la loi telle qu’elle était dans mon pays”. Mélenchon s’est ensuite justifié en citant Hannah Arendt, pour expliquer que le président de l’université s’était "comporté dans cette logique de la propagation du mal". Des déclarations qui ont provoqué de nombreuses réactions. Fabien Roussel par exemple, a estimé que M. Mélenchon était "discrédité" après ces propos "indéfendables".

https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/04/22/jean-luc-melenchon-annonce-donner-une-conference-a-sciences-po-paris-lundi-soir-quelques-jours-apres-l-interdiction-d-une-conference-a-lille_6229199_823448.html

I/ Le Parlement britannique a voté le projet de loi visant l’expulsion vers le Rwanda des demandeurs d’asile entrés illégalement au Royaume-Uni (lien Le Monde). Pourquoi les demandeurs d'asile et pas les autres ? Aucune idée. En tous cas, une fois au Rwanda, interdiction définitive pour eux de revenir au Royaume-Uni.
II/ L'ONU a demandé au gouvernement britannique de "reconsidérer son plan". Selon elle, cette législation entrave sérieusement l’Etat de droit au Royaume-Uni et crée un précédent dangereux dans le monde. Le texte ouvre en outre la voie au renvoi sommaire des demandeurs d’asile. Le Conseil de l’Europe appelle également Londres à reconsidérer son plan et formule ses inquiétudes en matière de droits humains.
III/ Côté Rwanda, on s'apprête à toucher le jack-pot : outre les 400 millions d'euros promis au Rwanda avant le décollage même du premier avion, la petite note s'élèvera à 23000 euros par personne renvoyée sans compter ceux que le Rwanda relocaliserait ailleurs, soit une somme pouvant aller jusqu'à 175000 euros par personne, si l'on en croit le Huffington Post ! A ce tarif, les mallettes vont valser. "Nous sommes satisfaits que le projet de loi ait été adopté par le Parlement britannique", a déclaré le gouvernement rwandais. Tu m'étonnes !
A part ça, le Kagame qui est présenté comme le sauveur du génocide des tutsis dans le récit officiel prend bizarrement des airs de type tout ce qu'il y a de plus louche dans cet autre récit, je cite toujours le Huffington Post : "Paul Kagame est accusé de gouverner dans un climat de peur, étouffant la dissidence et la liberté d’expression". Du moment qu'ils savent, ils sont contents, la cohérence est le cadet de leurs soucis.

Bref je comprends pas grand chose à tout ce mic-mac et c'est pas l'article de Schwartzbrod dans Libé qui nous renseigne sur quoi que ce soit. Tout ça pour éviter les fausses demandes d'asile ? Ou une loi destinée à être étendue et qui permette in fine de virer qui ça leur chante quand ça leur chante ?

Aujourd’hui, l’article 421-2-5 du Code pénal qui définit l’apologie du terrorisme donne une définition claire du délit : le fait d’inciter publiquement à porter sur des actes de terrorisme ou leur auteur un jugement favorable.
Ces dernières années, les tribunaux ont affiné cette notion. Il n’est par exemple pas nécessaire de "faire l’éloge" d’un acte terroriste. Il suffit de faire des rapprochements qui tendent à les justifier. La 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris a ainsi estimé en 2002 que si "le lecteur est incité à porter sur le crime un jugement de valeur favorable effaçant la réprobation morale" attachée à ce crime, l’apologie pouvait être retenue.
Les procureurs suivent les éléments indiqués dans une circulaire du 10 octobre 2023 d'Eric Dupond-Moretti, qui leur demande d’engager des poursuites pour tout propos public "vantant les attaques" du Hamas ou "les présentant comme une légitime résistance à Israël".

https://www.nouvelobs.com/justice/20240424.OBS87546/apologie-du-terrorisme-pourquoi-les-poursuites-pour-ce-delit-se-sont-multipliees.html

1/ Le 17 novembre dernier, Mohamed Makni, adjoint au maire d’Echirolles, est convoqué par la police après ses tweets vantant "un acte de résistance" palestinienne face à un Etat "fasciste". Il refuse de plaider coupable et écope de quatre mois avec sursis.
2/ Le 2 mai, un procès similaire est programmé pour Ismaël Boudjekada, conseiller municipal à Grand-Charmont pour des propos sur les réseaux sociaux comparants "l’affolement des juifs" à celui "des cafards".
3/ Le 18 avril, Jean-Paul Delescaut, de la CGT du Nord, prend un an avec sursis. Le tribunal retient que son tract ne contenait pas de condamnation des faits du 7 octobre 2023 et qu’il avait au contraire un objectif de dédiabolisation du Hamas, de justification de l’attaque et d’une incitation à une inversion des valeurs entre les victimes et les auteurs.

Le président de la République a tiré la sonnette d’alarme, à moins d’agir de façon marquée et rapide, car nous serions dans un moment de bascule : "Cela dépend uniquement de nos choix mais ces choix sont à faire maintenant".
Il a avancé des solutions : "puissance" en matière de défense, "prospérité" économique et industrielle et "humanisme".

https://www.huffingtonpost.fr/politique/video/dans-son-discours-emmanuel-macron-a-la-sorbonne-alerte-sur-l-europe-qui-peut-mourir_233133.html

La société française dans l’engrenage du conflit au Proche-Orient.
C’est un pays qui glisse vers le tumulte qu’il redoute. Condamnations et convocations de militants politiques et syndicaux pour "apologie du terrorisme" en pleine campagne électorale pour les élections européennes ; interdictions de conférences dans des universités, voire de réunions politiques ; occupation de Sciences Po, à Paris ; médias et réseaux sociaux en fusion : le conflit israélo-palestinien a envahi l’ensemble de la sphère politique, sociale et médiatique en France.
L’annonce de la convocation par la police de Mathilde Panot, dans le cadre d’une procédure pour "apologie du terrorisme", a été le point d’orgue de deux semaines durant lesquelles le conflit au Proche-Orient s’est imposé à la société française, attisant des divisions latentes mais profondes. L’importation des tensions liées au conflit, largement crainte et dénoncée par anticipation par les pouvoirs publics au lendemain des massacres du 7 octobre 2023, semble bel et bien consommée...

https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/04/27/les-quinze-jours-qui-ont-precipite-l-opinion-francaise-dans-l-engrenage-du-conflit-au-proche-orient_6230219_3224.html

Dans une interview, le chef de l’Etat a appelé les pays européens à mettre toutes les options "sur la table", en regardant "ce qui protège véritablement de manière crédible".

https://www.lemonde.fr/politique/article/2024/04/28/emmanuel-macron-critique-par-les-oppositions-apres-avoir-evoque-une-defense-europeenne-comprenant-l-arme-nucleaire_6230415_823448.html

De la colonisation à l’apartheid

- "Biden signe le certificat de décès des Palestiniens". Sous ce titre, le journaliste israélien Gideon Levy tirait le principal enseignement de la visite du président américain en juillet 2022. Celui-ci, du bout des lèvres, avait soutenu la solution à deux États, mais "pas à court terme". C’est une page qui se tourne, poursuivait l’éditorialiste de Haaretz, celle où les Palestiniens ont joué la carte de la modération et de l’Occident. Désormais, avec les définitions de l’antisionisme qui l’assimilent à l’antisémitisme, les États-Unis et l’UE sont perdus pour les Palestiniens.
- Les Palestiniens avaient déjà connu une traversée du désert après la création d’Israël en 1948 et l’expulsion de centaines de milliers d’entre eux dispersés à travers les camps de réfugiés. Mais en 1967-1969, une nouvelle génération prenait les armes et proclamait que la libération serait l’œuvre des Palestiniens eux-mêmes. L'OLP avait signé leur retour politique et sera reconnue comme le "seul représentant du peuple palestinien".
- L’idée que la libération est au bout du fusil s’estompa cependant peu à peu et les accords d’Oslo (1993) signés par Arafat et Itzhak Rabin devaient déboucher en cinq ans à la création d’un État palestinien. Mais ces accords étaient favorables à Israël : ils ne prévoyaient aucun arrêt de la colonisation de terres qui devaient pourtant être rendues aux Palestiniens. Et l’occupant imposa son point de vue avec l’appui des E-U et la complaisance de l’UE.
- Quand s’ouvrit le sommet de Camp David entre Ehoud Barak et Arafat en 2000, l’Autorité palestinienne ne contrôlait que des confettis éparpillés en Cisjordanie et Tel-Aviv voulait sauvegarder ses colonies. L’échec était inévitable.
- En 2018, le Parlement israélien vote une nouvelle loi, intitulée "Israël en tant qu’État-nation du peuple juif", dont l’article1 précise que "l’exercice du droit à l’autodétermination nationale dans l’État d’Israël est réservé au peuple juif", un droit donc refusé aux Palestiniens. Un autre article stipule que "l’État considère le développement de la colonisation juive comme un objectif national et agira en vue d’encourager et de promouvoir ses initiatives et son renforcement". Ce texte entérine une situation d’apartheid.
- Au-delà des condamnations qui reflètent la dérive d’une grande partie de la classe politique en faveur d’Israël depuis les années 2000, pourquoi des gens bien intentionnés ont du mal à accepter ce qui pourtant a été confirmé par une loi en Israël ? Or l’histoire concrète, quotidienne du mouvement sioniste politique depuis sa création, en tenant compte des divergences profondes qui le traversaient, se confond avec le mouvement de conquête du monde par l’Occident. Ce caractère colonial du mouvement sioniste a signifié, dès l’origine, une politique d’apartheid. Le colonialisme de peuplement a toujours considéré les habitants originels comme des occupants que l’on peut expulser, voire massacrer.
- Une partie de la sympathie américaine pour Israël tient à la similitude entre la conquête du Far West et la colonisation juive, entre le colon sioniste armé et le valeureux cow-boy. Le secret de ce mariage contre-nature est dévoilé par l’universitaire israélien Benjamin Beit-Hallahmi : "On peut détester les juifs et aimer les Israéliens, parce que, quelque part, ils ne sont pas juifs. Les Israéliens sont des colons et des combattants, comme les Afrikaners. Ils sont durs et résistants. Ils savent comment dominer". Une explication qui vaut pour le ralliement à Israël de la majorité des mouvements d’extrême droite à travers le monde. Si elle reste antisémite, elle considère les Israéliens avant tout comme des "colons blancs" qu’il faut soutenir face à la "menace islamique". Herzl prêchait pour un Israël avant-poste de la civilisation contre les barbares, un rôle renouvelé à l’heure de la "guerre contre le terrorisme".
- La page ouverte par la guerre de 1967 est tournée. L’Occident mobilisé contre le "terrorisme islamique" voit dans le drame palestinien un front de la guerre au terrorisme. L’UE laisse, sans réagir, se poursuivre la colonisation, qui ensevelit la solution à deux États qu’elle prétend défendre.

En fait, on assiste à un phénomène gigantesque qui contraint sans cesse l'acteur politique à réajuster son propre point de vue. On est dans un temps où le pouvoir politique est plus réactif que proactif. Il est réactif à un phénomène ancien très intéressant, mais qui prend une allure nouvelle. Ça commence dès le XVIIIe siècle avec la révolution française, mais où l'appropriation sociale se limitait au niveau national. Ce qui est remarquable, c'est cette lente appropriation sociale de l'international. Et ça vient tout bouleverser parce que l'international restait le domaine réservé des stratèges.

Première étape, la décolonisation. La décolonisation, c'est la prise en charge par les acteurs sociaux de leur destin, contre les autorités. Puis l'on voit quelque chose de nouveau avec la guerre du Vietnam, où les jeunes disent : "on est contre". Mais ce qu'on voit aujourd'hui avec le conflit israélo-palestinien est tout à fait étonnant, parce que c'est le seul élément dans la sphère occidentale qui vient contrebalancer cette alliance de fait entre Israël et l'ensemble des pays occidentaux.

La civilisation occidentale est mise en péril par pas mal de doutes, de questionnements qui viennent d'un peu partout, mais de plus en plus des campus universitaires. Et c'est d'autant plus remarquable que ça converge avec d'autres sources profondes de la société américaine, notamment la méfiance à l'égard de la mondialisation. Si les classes moyennes se crispent contre en votant Trump, on voit que la jeunesse, elle, est dans le monde. Et qu'elle ne supporte pas les souffrances du monde : le cri qui part des campus américain, c'est comment peut-on tolérer 35 000 morts à Gaza sans ne rien dire ? C'est insupportable pour une jeunesse très "cosmopolitisée" de par ses origines et de par son appartenance a des réseaux sociaux qui la mettent en contact permanent avec le monde. Et ce phénomène arrive en France.

On avait vu ça avec le Vietnam, mais on l'a vu aussi avec Bush et l'Iraq en 2003. Rappelons que le 15 février 2003, il y a eu 15 millions de manifestants dans le monde contre cette guerre. Du coup, on a compris qu'elle se faisait contre l'opinion publique. Elle a été dé-légitimée. Aujourd'hui, la puissance militaire ne fait plus la décision finale à l'internationale. On voit bien que ce qui est déterminant, c'est l'énergie sociale : qu'elle vienne à se déplacer, alors le faible aura raison du fort. C'est la raison pour laquelle ces mouvements étudiants inquiètent et dérangent. La vraie question est de savoir si l'opinion mondiale va soutenir les palestiniens ou s'en désintéresser. Le mouvement étudiant est un des nœuds de cette histoire.

Trois points sur la jeunesse. 1/ Elle est cosmopolite et se sent citoyenne du monde. 2/ On ne peut pas expliquer à un jeune qu'on peut faire 35 000 morts à Gaza dans l'indifférence. Cette radicalité de l'indifférence ne passe pas chez les jeunes. Et le fait que cette politique aille jusqu'à convoquer à la police des gens qui tiennent sur le Proche-Orient des points de vue différents du point de vue officiel est insupportable. 3/ Le troisième point est l'identification : à quoi vais-je me mesurer, m'identifier ? On ne veut pas voir la stupidité de la géopolitique : qu'au-delà des prises de position cartographiables, il y a un mouvement international de milliards d'identifications. Cette nano-sociologie va plus vite que le rythme des chancellerie Et donc ça peut rebattre les cartes à une très grande vitesse et faire l'ordre international de demain.

En France, l'échelle n'est pas la même. Déjà parce que le mouvement américain date d'il y a plusieurs mois. Et donc dure. Il y a un élément qu'il faut comprendre, c'est que seul le président américain est en capacité de bloquer les excès d'Israël. Autre chose importante : l'hégémonie contesté des États-Unis - non pas dans le monde ou c'est contesté depuis longtemps - mais à l'intérieur même de la société américaine. Le grand credo de la mission américaine, la société américaine le conteste. Au moment où l'hégémonie américaine pensait être arrivé à ses fins, c'est-à-dire la chute du mur de Berlin, elle est remise en cause, non seulement à l'international, mais par les deux extrêmes : l'extrême-droite de Trump au nom de l'égoïsme national, et la gauche qui dit que c'est mortifère.

Les campus américains ont la clef pour bloquer la diplomatie du gouvernement américain. Il va peut-être se passer ce qui s'est passé au moment où Nixon a compris que même s'il gagnait la guerre du Vietnam, il était en train de provoquer une défaite à l'intérieur de la société américaine, et que c'était dangereux sur le plan de la stabilité sociale. Donc la menace qui est lié à cette ébullition des campus peut effectivement faire plier Washington.

Ça ne veut pas dire qu'elle soit porteuse de solution. Mais ce qui est intéressant dans l'Inter socialité, c'est qu'elle vient brouiller les jeux du stratège. On peut être stratège face à un autre stratège, mais pas face à un  million d'interactions sociales, parce qu'on ne peut pas les maîtriser ni les dominer. C'est ça, la force de l'inter-socialité, cette espèce de nouveau pouvoir de veto. Ça peut même aller au-delà et créer de nouveaux liens, de nouvelles passerelles qui pourraient être la solution de demain. Une leçon de l'histoire dit que tous ceux qui se battent pour leur émancipation finissent toujours par gagner. L'incertitude, c'est pas qui gagnera, c'est le temps qu'il faudra pour finir par gagner.

https://www.youtube.com/watch?v=oUWlAHdWxPE