Afghanistan

Aller en bas

Afghanistan Empty Afghanistan

Message par chapati Lun 1 Juil 2019 - 14:52

Un superbe texte d'Olivier Roy pour (presque) tout comprendre des guerres d'Afghanistan


Comment les Etats- Unis ont financé et armé les fous de Dieu d’Afghanistan dans le seul but d’infliger sa dernière défaite sanglante à l’Union soviétique… Et comment ils paient aujourd’hui leur «victoire »
Qu’il est grand, le djihad, qu’elle est belle, la guerre sainte musulmane, vue de la « route des Cinq Cols » ! Tout au long des années 80, des milliers d’islamistes venus du monde entier usent leurs rangers de militants sur ce chemin muletier suspendu entre Peshawar, la base arrière du Pakistan, et les vallées insurgées de l’Afghanistan. Ils volent au secours de leurs frères en religion envahis par les communistes impies. Treillis flambant neufs et sacs de couchage bleus, ils tirent par la bride des chevaux chargés de roquettes et de mitrailleuses, brûlant de devenir les héros de la cause islamique. Prêts à mourir pour la Oumma, cette mythique communauté de l’Islam dont l’unité sacrée s’est dégradée au fil de l’histoire en une multitude d’Etats indignes. Ici, plus d’Arabes, de Persans ni de Turcs : dans la lumière aveuglante de la guerre sainte, il n’y a que des musulmans.
Paradoxe : ces moudjahidine-de-tous-les-pays qui se ruent à l’assaut des Soviétiques n’avaient jusqu’alors pas grand-chose à reprocher aux rouges. Leur ennemi numéro un, c’était le Grand Satan américain conspué par Khomeini. Les combattants qui débarquent dans les camps afghans sont les lointains enfants de mouvements antioccidentaux nés de la révolte contre l’impérialisme britannique dans les années 20-30. Mouvance Frères musulmans en tête, ces groupes avaient viré dans les années 60-70 vers un antiaméricanisme viscéral. Exacerbée par le drame palestinien, l’exécration de l’Amérique avait culminé dans la révolution iranienne. L’ayatollah avait clairement choisi son camp : pas d’ennemis à gauche. L’URSS, baptisée Petit Satan, pouvait attendre. Sus au Grand : assassinat de Sadate en 1981, attentats terrifiants contre les marines américains et les paras français au Liban en 1983-84. Le radicalisme islamique explosait à la figure de l’Occident et de ses alliés.
Malgré leur gravité, ces attaques rageuses n’alarmaient pourtant pas outre mesure le Grand Satan. Son souci principal était ailleurs. Obsédée par l’URSS, l’Amérique surveillait d’un œil inquiet l’extension de l’ennemi de toujours. Envahi en 1979, l’Afghanistan devenait aux yeux de Reagan le dernier haut lieu de la lutte contre l’Empire du Mal. Quel brainstorming, quelle réunion de staff, quel cerveau fertile ont-ils alors accouché de la grande idée : retourner les moudjahidine contre la gangrène communiste ? Une idée de génie. Grâce à elle, l’Amérique déviait contre Moscou la virulence islamiste. Sans jamais engager un agent sur le terrain, sans risquer la vie d’un seul de ses boys, elle infligeait à travers les Afghans un sanglant Vietnam à l’URSS. Soudain, dans les années 80, les moudjahidin vont démoder le romantisme de gauche véhiculé par les fedayine palestiniens. La CIA vient de créer la mode moudjahidine — chapeau afghan Pt étole de laine —, dans l’espoir de faire pièce à l’indétrônable keffieh, symbole de l’antiaméricanisme. Sur le terrain pourtant la sauce prend moins bien. D’un côté, les volontaires musulmans ; de l’autre, les Occidentaux — humanitaires, journalistes ou diplomates —, et entre les deux un abîme de méfiance. Les premiers ne se font pas faute de lancer aux seconds : Quand on en aura fini avec les communistes, on s’occupera de vous autres! » L’Afghanistan, à l’époque, est un joint-venture à trois piliers : Etats-Unis, Arabie Saoudite et Pakistan. Les deux premiers financent, le second se charge de recruter des volontaires de par le monde, le dernier réceptionne et gère armes et combattants. Mais aucun des trois — occidental ou pas — ne se soucie du peuple afghan. Si l’obsession américaine est l’URSS, celle de l’Arabie Saoudite est… l’Iran. Il est vital pour la dynastie wahhabite de ne pas laisser aux ayatollahs le monopole de la cause islamique. Khomeini, se réclamant du Coran qui ne reconnaît aucune royauté, ne se fait pas faute de traiter le roi Fahd de « faux musulman »… Le seul recours de l’Arabie face à l’aura de l’Iran chiite, c’est d’encourager un fondamentalisme sunnite concurrent. Carnet de chèque ouvert, elle finance tout ce qui fleurit de radical sous le ciel sunnite. La geste afghane est sa plus belle réponse du berger à la bergère.
Le troisième associé, le Pakistan, n’est pas en reste d’arrière-pensées. Son obsession à lui, c’est l’Inde, dont il a fait sécession sur le seul motif religieux. Conscient de sa fragilité, de son identité exclusivement fondée sur l’islam, le Pakistan surveille jalousement son voisin afghan, soucieux d’éviter à tout prix l’avènement à Kaboul d’un gouvernement nationaliste laïque susceptible de s’allier avec Delhi. D’où un soutien sans faille aux plus islamistes des Afghans. D’où une implication massive aux côtés des moudjahidine hier, des talibans aujourd’hui.
Totalement inconscients de ces stratégies sacrilèges, les volontaires qui affluent de partout voient dans l’Afghanistan l’éclatant symbole de l’unité musulmane. Brigades internationales d’un genre nouveau, ces islamistes renouent avec le romantisme héroïque et fraternel qui caractérisait jadis la guerre d’Espagne. Le souffle ardent du djihad révolutionnaire transcende tous les clivages.

La vraie division est ailleurs : Hekmatyar est pachtoune, Massoud tadjik. En surface, la résistance contre l’ennemi commun occulté les rivalités séculaires héritées d’une longue histoire de zizanie ethnique. Entre les Tadjiks et les Pachtounes, le grand voisin pakistanais a toujours choisi les seconds. Pourquoi ? Parce que les Pachtounes d’Afghanistan ont des cousins au Pakistan où, bien que minoritaires, ils trustent l’élite, l’armée, les services publics et surtout les services secrets.
Les Soviétiques boutés dehors en 1989, la guéguerre interethnique se déchaîne en guerre civile. Dans Kaboul enfin reconquis, la guerre sainte montre son vrai visage, celui du leurre. Amère prise de conscience chez les volontaires déboussolés : il n’y a pas de sublime combat, pas de bons musulmans à protéger contre des mauvais musulmans. Le djihad sombre dans l’« afghanerie », degré zéro de la Oumma.
L’invasion du Koweït en 1991 brouille davantage encore les cartes. Hekmatyar, le candidat de l’ISI et de la CIA, se range pourtant aux côtés de l’Irak. Les Saoudiens lui coupent aussitôt les vivres. Soucieux avant tout de perpétuer un pouvoir pachtoune et islamique à Kaboul, les Pakistanais se rabattent sur quelques milliers d’élèves d’écoles coraniques dont ils fourbissent l’organisation militaro-politique : le phénomène taliban vient de naître. Soutenus par le tandem Pakistan-Etats-Unis, les séminaristes soumettent le pays à leur puritanisme délirant.
Illuminés de la charia, ils sont persuadés d’œuvrer au triomphe de l’islam. Or, là encore, sous la bannière verte du djihad, les moins religieuses des déterminations se cachent. Les fondamentalistes talibans sont fondamentalement pachtounes. Où l’on retrouve une constante historique : chaque fois que les Pachtounes se soulèvent, ils le font au nom de l’islam, le leur étant par définition plus pur que celui des autres. En fait de puritanisme religieux, les Pachtounes obéissent à un code de l’honneur archaïque et tribal or où l’obsession sexuelle se polarise sur les femmes. A cela l’armée des talibans ajoute une névrose supplémentaire : ces séminaristes, tout frais sortis des madrasas, sont puceaux.
Au fur et à mesure que l’Afghanistan sombre dans le micmac ethnique, les légions islamiques, frustrées de leur djihad, s’en retournent aux quatre points cardinaux. Dix ans plus tôt, la CIA avait armé contre l’URSS la bombe du fondamentalisme islamique ; elle n’en finit plus d’exploser sur la planète, malgré la chute du Mur et la fin de la guerre froide. Bosnie, Cachemire, Philippines…, les survivants de la geste afghane se font voyageurs de commerce d’une guerre sainte universelle pointée contre le Grand Satan et ses alliés. Retour à l’envoyeur.
Ceux qui rentrent au pays tentent de redonner une virginité à leur djihad galvaudé en le brandissant cette fois contre les pouvoirs musulmans compromis avec l’Occident. Ils peuplent l’aile radicale des partis islamistes. Politiquement immatures et militairement surentraînés, ils apportent dans leurs bagages la tenue moudjahidine, l’acrimonie du desperado et le mythe de la guérilla invincible. Ils imposent le seul langage qu’ils connaissent : celui de la violence apprise dans la poussière sanglante de l’Asie centrale.
Expulsés par tous les pays musulmans, un petit groupe d’ultras échoue en Amérique. L’Oncle Sam ne peut refuser de donner refuge aux précieux alliés qui lui ont livré la peau de l’URSS. Au New Jersey, ultime « banlieue de l’islam s, se désespèrent quelques moudjahidine paumés, chez qui la guerre du Golfe a ranimé la haine du Grand Satan. Que faire dans la Babylone qu’ils abominent et dont ils ne peuvent plus sortir ? Enfants monstrueux nés des amours morganatiques de l’Amérique et du djihad afghan, les misfits de l’islamisme s’offrent leur revanche. En 1993, ils dynamitent le symbole de la puissance américaine, un orgueilleux bâtiment érigé vers le ciel de Manhattan. Sur les ruines fumantes du World Trade Center, les moudjahidine continuent de faire vivre la belle histoire du djihad, que la CIA leur avait demandé de conter.

https://www.les-crises.fr/les-moudjahidine-de-la-cia-par-olivier-roy/

chapati
Admin

Messages : 1599
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Afghanistan Empty Re: Afghanistan

Message par chapati Mar 9 Juil 2019 - 1:12

Après mille ans de bouddhisme parsemé de quelques influences hellènes, l'Afghanistan fut peu à peu converti à l'Islam vers la fin du premier millénaire. Au carrefour de la route de la soie, son histoire est marquée d'innombrables invasions, qui font qu'aujourd'hui encore, les afghans comptent en leur sein une mosaïque de peuples dont les origines sont liées à celles de ces différents envahisseurs.

La clef pour comprendre l'Afghanistan est ethnique. L'Afghan est pachtoun, tadjik, ouzbek ou hazara avant d'être afghan. Il s'identifie à son ethnie - mieux - à sa tribu ou à sa vallée. Ses valeurs tournent avant tout autour de la famille, de l'autorité traditionnelle des mollahs et de celle des chefs tribaux (khans).

Afghanistan A365016c-6edf-11df-a85b-9f18b2feed18

Au début du XVIIIe siècle, l’Afghanistan était gouverné à l'ouest par l’Empire safavide d’Iran, et à l’est par les Moghols, dont l'empire s'étendait de Kaboul jusqu’à Delhi. La ville de Kandahar, capitale des tribus pachtounes, prit ainsi une importance stratégique majeure. Après la dislocation de l'empire Perse, Ahmad Khan y est élu en 1747 roi d'Afghanistan (date à laquelle on attribue généralement la fondation de l'Afghanistan) par une assemblée de chefs pachtouns. Ses conquêtes militaires l'amèneront ensuite jusqu'à Delhi. A sa mort, l'Afghanistan est le plus grand empire musulman du monde après l'empire ottoman. L’établissement d’un pouvoir pachtoun depuis cette date est d’une importance capitale pour comprendre l’histoire contemporaine de l’Afghanistan, qui a depuis toujours été gouverné par des émirs et des rois pachtouns (lesquels pachtouns représentent 50% de la population), au détriment des autres ethnies.


A la mort d'Ahmad Khan et après le règne agité de son fils, l'Afghanistan sombre dans l'instabilité politique et les guerres claniques : elle se morcelle de fait en système d'émirats et de chefs de clans. L'empire russe et la Grande-Bretagne vont alors se disputer son contrôle pendant près d'un siècle. La deuxième guerre anglo-afghane entérine en 1893 la "ligne Durand" (actuelle frontière entre Afghanistan et Pakistan) comme frontière avec l'Empire Britannique. Les anglais à l'époque ont décidé de soutenir Abdur Rahman (pourtant armé par les russes) en misant sur son désir de gouverner un pays pachtoun unifié, afin de faire de celui-ci un état-tampon solide entre les empires russe et britannique. En échange de quoi il accepte cette ligne Durand, qui pourtant partage l'ex-pays pachtoun (Pashtunistan) en deux. Sauf qu'il sera le seul émir à l'accepter. En outre, s'il a toute latitude sur les affaires intérieures, il abandonne la souveraineté extérieure à l'empire britannique.

Sur la carte ci-dessous, on voit bien ici comment l'ex Pashtunistan déborde (en vert) sur l'ouest de l'actuel Pakistan, allant jusqu'à la plaine du Punjab.

Afghanistan 2010-Baloutches-Pachtounes

En 1919 et après la troisième guerre anglo-afghane, l'Afghanistan devient totalement indépendant. En 1933 a lieu l'avènement du roi Mohammad Zaher Shah, qui règnera jusqu'en 1973. Par l'intermédiaire de Sardar Daoud Khan, cousin du roi et ministre de la guerre, l'Afghanistan se met à régulièrement demander la restitution de son ancien territoire pachtoun, coupé donc en deux par la ligne Durand. De l'autre côté de la frontière, on se méfie des afghans : on est souvent au bord du conflit armé, d'autant qu'un mouvement séparatiste "pathan" (les pachtouns du Pakistan sont appelé pathans) veut lui aussi réintégrer l'Afghanistan.

En 1953, Sardar Daoud Khan, devenu entretemps premier ministre, se rapproche de l'URSS et établit un programme de modernisation économique et social avec l'aide soviétique. Mais suite à un énième conflit avec le Pakistan et à une opposition croissante à son autorité autocratique, il sera forcé de démissionner en 1963. Zaher Shah instaure alors des éléments de démocratie, comme une assemblée législative, dont une partie des membres est élue par le peuple. Les partis politiques sont autorisés. Le PDPA (Parti Démocratique Populaire d'Afghanistan) est pro-soviétique, il est créé par Nur Mohammad Taraki et se scinde ensuite en deux factions, le "Khalq" de Taraki et le "Parcham" de Brabak Karmal.

En 1973, Daoud fait un coup d'état contre son cousin le roi Zaher, et instaure la première république d'Afghanistan. Mais il s'avère trop nationaliste au goût des soviétiques et semble vouloir "pachtouniser" le pays. En 1977, il finit d'ailleurs par faire adopter une constitution qui interdit les partis politiques et fait de l'islam la religion d'état. L'URSS intensifie alors ses relations avec l'ex-PDPA.

En 1978, Daoud est renversé par le PDPA avec l'aide de soutiens dans l'armée. Taraki se retrouve alors au pouvoir, aidé par son bras droit Hafizullah Amin. Un coup d'état qui aurait pris de court les soviétiques eux-même, à ce qu'il se dit. Taraki tente d'instaurer des réformes radicales, mais celles-ci sont mal vues par le peuple très traditionaliste. Le peuple gronde et partout dans le pays des révoltes sont brutalement réprimées (5000 morts à Hérat). Le mécontentement menace de s'étendre jusqu'au rejet du "grand frère" soviétique. Ces aimables péripéties débouchent sur l'assassinat de Taraki et la prise de pouvoir par Amin... Amin dont il se dit que l'URSS le suspecterait d'avoir des liens avec les États-Unis (...). Bref, Brejnev décide d'envoyer ses troupes en Afghanistan en 1979, et installe à la tête du pays Brabak Karmal (le leader donc de l'autre faction du PDPA). Cette invasion a pour effet de déclencher une véritable "guerre sainte" contre l'envahisseur étranger et "infidèle".

Notons que depuis les années 60, des mouvances pachtouns radicales refusaient déjà tout rapprochement avec le modernisme occidental et soviétique. Elles avaient été réprimées par Daoud, et leurs chefs avaient du s'exiler au Pakistan (c'est de là que naîtront petit à petit les talibans). L'entrée de l'armée soviétique en Afghanistan favorisera leur soutien par le Pakistan, qui voyait d'un mauvais œil les éventuelles prétentions du géant soviétique. A l'époque, il se disait par exemple qu'un des but des soviétiques était l'accès à un port en eau profonde sur l'Océan Indien... ceci impliquant un jour ou l'autre l'annexion du Baluchistan pakistanais (voir carte). Le Pakistan devait en fait éradiquer une double menace : soviétique d'abord, mais aussi afghane, en rapport aux revendications sur l'ancien Pashtunistan. Il voulait d'une part s'assurer d'une profondeur territoriale face au supposé ennemi de toujours, l'Inde ; et de l'autre sa stratégie semble avoir été de chercher à mettre au pouvoir en Afghanistan un régime qui lui serait inféodé : c'est ainsi qu'il aurait favorisé le retour aux affaires des pachtouns les plus radicaux, dont l'accès au pouvoir ne pouvait que perpétuer les divisions ethniques, mettant le futur pouvoir afghan en situation de dépendance vis-à-vis du grand frère pakistanais (lourdement militarisé). Il misa pour cela sur un chef de guerre pachtoun : Gulbuddin Hekmatyar.


Mais les principaux résistants à l'occupant soviétique furent tadjiks et ouzbeks, soit les ethnies du Nord. Les pachtouns, soutenus et armés par le Pakistan (avec l'aide des USA et de l'Arabie Saoudite) ont été bien moins efficaces dans la lutte contre les soviétiques. 
En 1989, Gorbatchev ordonne finalement le retrait d'une armée russe, incapable de contrôler le pays et réduite progressivement à rester cloitrée dans ses bastions. Il garde néanmoins Mohammed Nadjibullah à la tête du pays, un allié qui avait remplacé Karmal en 1986. Les moudjahidines eux continuent le combat pour en finir avec les russes. En 1992, Kabul est pris par le tadjik Ahmad Shah Massoud, principal héros de la guerre contre l'occupant, à la tête de "l'Alliance du Nord", une coalition récemment mise en place de chefs de guerre du nord (non-pachtouns donc). Fin définitive de l'épisode russo-soviétique. Bilan de dix années de guerre : plus d'un million de morts, 3 à 5 millions de réfugiés.

Un gouvernement est alors formé sous l'égide du tadjik Burhanuddin Rabbani. Il se constituera autour des différents chefs de guerre de "l'Alliance du Nord". A partir de là, il faut beaucoup de prudence pour organiser un récit cohérent de la situation tant les alliances et les trahisons se succèdent à Kabul, au milieu des combats entre factions rivales, toujours sur fond de vieilles rivalités entre pachtouns et autres ethnies, rivalités exacerbées par les différents chefs de guerre. Massoud a libéré Kabul, mais pour éviter un bain de sang, il s'est allié à l'ouzbek Dostom, ex-milicien et commandant de la garde prétorienne du régime de Kabul. Mais ça n'évitera en rien les successions d'exactions. D'autant que Hekmatyar débarque du Pakistan et vient récupérer les marrons du feu avec ses propres troupes. Il tirera des roquettes sur la ville pendant des mois. La situation à Kabul est terrible : les structures de l'armée sont détruites, il n'y a plus de police, les services secrets ont été anéantis, toute l'administration s'est écroulée. Kabul est morcelée en différents quartiers "ethniques". Des moudjahidins entrent de partout en ville, des milliers de prisonniers de droit communs sont mystérieusement libérés, les gens pillent les dépôts d'armes, tout le monde est armé. Les exactions provoquent des dizaines de milliers de morts. A un moment, Dostom retournera une deuxième fois sa veste en se ralliant à Hekmatyar pour supplanter l'Alliance du Nord. Massoud accepte finalement d'être évincé du gouvernement, et un compromis est signé où Hekmatyar devient premier ministre.

Sauf qu'Hekmatyar vient de tomber en disgrâce aux yeux de l'Arabie Saoudite, pour avoir commenté de façon non conforme à ses yeux l'invasion de l'Irak au Koweit. L'Arabie Saoudite n'en veut plus et menace le Pakistan de lui couper les vivres ! C'est à ce moment que le Pakistan se rabat sur les talibans, d'anciens élèves des madrassas (écoles coraniques), en général des exilés ou fils d'exilés afghans, organisés désormais en mouvement. Au Pakistan, le mouvement taliban est manipulé par l'ISI (services secrets pakistanais), il a par la suite conquis son indépendance, et prospère sur le marasme social et identitaire d'un pays confronté à une conjoncture économique désastreuse, où le chômage des jeunes par exemple atteint des proportions affolantes. Les talibans débarquent donc en 1994 en Afghanistan. Ils prennent rapidement Kandahar puis l'ensemble du pays en 96, après deux ans de combat dont un an pour le seul siège de Kabul, parachevant ainsi de transformer cette ville en un champ de ruines. Ensuite la terreur s'installe. Des patrouilles contrôlent en continu la longueur des barbes et la décence des tenues, sous peine de coups de fouet et autres tortures. Les filles sont interdites d'école, les femmes de soins médicaux. Mutilations et lapidations en place publique sont le seul spectacle autorisé. Les talibans se sont abattus comme des charognards sur un pays exsangue qu'ils n'avaient pas même contribué à libérer, sans laisser le moindre répit aux afghans pas même sortis de treize années de guerre. Les Afghans avaient chassé la deuxième plus grande armée du monde, ils ont fini par se voir privés de leur victoire par des puceaux cruels, mortifères, débiles et sanguinaires. Les talibans ont volé leur histoire aux afghans.


Enfin cerise sur le gâteau, l'assassinat de Massoud le 9 septembre 2001. Massoud était venu en France peu avant pour dénoncer les accointances entre le Pakistan et les talibans, et aussi parler des menaces que les talibans représentaient. Personne ne l'a écouté. Personne n'a même cru bon de prononcer le mot "Pakistan" lors de sa visite. En guise de réponse, on a envoyé de l'aide humanitaire...
Massoud, peut-être le dernier héros, adulé à juste titre par les Afghans. Sans doute qu'il fallait l'assassiner pour éliminer le seul nom susceptible de rassembler un jour l'ensemble du pays contre les talibans. Lui mort, la voie était libre, et en particulier pour le 11 Septembre. En tous cas, c'est le surlendemain de sa mort que l'opération 11 septembre a eu lieu.


Que faire ? Quitter l'Afghanistan en l'état actuel revient à le laisser aux talibans, et cette fois en conscience, en toute connaissance de cause quant à ce qu'il pourrait advenir. Comment sortir de ce bourbier sans que ces gens ne reviennent au pouvoir, telle est l'équation impossible à résoudre (à moins de considérer qu'ils aient pu changer, mais qui pourrait y croire quand chaque semaine des bombes sont posées dans des mosquées, voire jusque dans des jardins d'enfants ?). Il y avait bien une solution à une époque. Elle aurait constitué à faire voter une constitution qui transforme l'Afghanistan en confédération, où chaque ethnie aurait eu une très large part d'autonomie et aurait vu son mode de vie préservé : personne ainsi n'aurait "perdu la face". Cette solution a été envisagée, mais pas par l'Otan qui ne l'a même jamais évoquée. Pourtant elle aurait permis aux américains de montrer à l'opinion publique que cette intervention n'était pas forcément une guerre coloniale, et aussi de lui faire accepter une si longue occupation militaire. En lieu et place, les américains sont parti en laissant la bombe à retardement talibane derrière eux...


Ça s'est fini avec les négociations de Doha, où américains et talibans on prétendu discuter de paix. Mais comment parler de paix avec des gens qui semblent vénérer la guerre voire la mort ? Avec des gens qui, visiblement, aiment à ce point la guerre ? J'entend bien des spécialistes nous dire que les talibans veulent le pouvoir, et sans doute que certains y sont sensibles. Mais pour ce que j'en pense, pas tous. Et il n'est pas impossible que nombre d'entre eux préfèrent la guerre. C'est en tous cas à mon avis cette notion qui a semblé échapper aux américains lors des négociations de Doha, pendant lesquelles nombre de talibans se sont autorisés à commettre des massacres en plein négociation ! Oui, je pense que nombre de talibans adorent la guerre.

Les afghans étaient un peuple magnifique. Le mot qui vient, c'est "fier" bien sûr, mais "fraternel" est peut-être un encore meilleur mot pour les qualifier. Qu'en reste-t-il après 40 ans de guerre ? J'en sais rien. Qui le sait ? Le seul et dernier espoir est que les talibans aient quand même un peu évolué depuis vingt ans. Sinon ce qui fut l'Afghanistan sera mort pour toujours.

Paix aux Afghans.





EDIT : après avoir lu ce billet, un interlocuteur m'a appris qu'en fait, la présence hellène a été bien plus importante que je ne le pensais en Afghanistan : elle a duré cinq siècles. C'est-à-dire qu'on a parlé et écrit grec pendant cinq siècles. Tous les actes étaient rédigés dans cette langue.
Pour l'anecdote, le fameux pakoul (bonnet) afghan que portait Massoud, entre autres, est la causia grecque, le couvre-chef national des Macédoniens.

Afghanistan Captu115




Ce billet est accessible sur Médiapart ici


Dernière édition par chapati le Mer 8 Mar 2023 - 20:09, édité 9 fois

chapati
Admin

Messages : 1599
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Afghanistan Empty Re: Afghanistan

Message par chapati Mer 7 Aoû 2019 - 3:49

Je croyais avoir mis un topo sur les discussions USA/talibans. Je le trouve pas. Il y a en ce moment dans Libé des articles intéressants d'un envoyé spécial en Afghanistan. Voilà la situation telle qu'il la décrit :

C’est la huitième session de discussions entre Washington et les talibans depuis l’an dernier. Si un accord est signé, il permettra d’ouvrir d’autres pourparlers, cette fois entre représentants afghans et insurgés. La question d’un cessez-le-feu sera alors abordée. C’est en tout cas le plan de Washington, qui souhaite aboutir avant l’élection présidentielle afghane prévue le 28 septembre. A Kaboul, personne ne va si vite. Ashraf Ghani, actuel chef de l’Etat, estime que ce plan est trop favorable aux talibans.

"Nous visons un accord de paix, pas de retrait : un accord de paix qui permette le retrait", a affirmé Zalmay Khalilzad, qui négocie pour les USA. Selon une source, "les Américains seraient fous d’abandonner toutes les bases. Ils seraient incapables de contrôler ce que font les talibans et les groupes implantés dans le pays. Ils peuvent en lâcher quelques-unes, mais ils garderont les principales, comme Bagram et Kandahar". Selon le Washington Post, le nombre de soldats américains pourrait passer de14 000 à 8 000.

Un rapport destiné à l'ONU note que : "Al-Qaeda continue à considérer l’Afghanistan comme un refuge pour ses dirigeants, en s’appuyant sur la relation qu’ils ont avec les chefs talibans". Les talibans sont liés au réseau Haqqani, lui-même connecté à Al-Qaeda, et connu pour sa capacité à organiser des attentats-suicides. Selon un responsable des services de sécurité, "les Haqqani sont contrôlés par le renseignement militaire pakistanais (ISI)".

Si le plan américain se déroule comme prévu, des négociations entre talibans et délégués afghans pourront être lancées. Les talibans refusent toujours que le gouvernement soit représenté. Certains de ses membres pourront toutefois y participer, mais en "nom propre". Kaboul a finalisé une liste de quinze personnes, qui sera menée par Abdul Salam Rahimi, ministre de la Paix du gouvernement actuel.

https://www.liberation.fr/planete/2019/08/05/a-doha-des-negociations-ardues-pour-la-paix-en-afghanistan_1743901


Il a en outre interrogé l'ancien président afghan (2004-2014) Hamid Karzaï, pas plus respecté à l'époque par les talibans que l'actuel président Ghani, et qui charge maintenant à fond les USA (et le Pakistan). Il plaide pour un retrait total de l’armée américaine qui, si je comprends bien, suffirait à une "unité afghane", à laquelle les talibans eux-même ne seraient selon lui pas insensibles... à condition qu'ils se détachent du Pakistan ! Un discours théorique donc (voire politique voire démagogique) qui doit certes plaire à nombre d'afghans, mais qui, en dehors de sa nouvelle détestation des USA, n'est guère différent du plan américain. Sauf que les américains eux, semblent avoir plus de mal à faire confiance aux talibans, fussent-ils afghans.

Extraits :
Avec la présence des Etats-Unis en Afghanistan, le peuple a subi des pertes immenses. Ils menaient soi-disant une campagne contre le terrorisme, celui-ci s’est accru. Daech s’est implanté dans le pays. Durant dix-huit ans, ils ont négligé les sanctuaires terroristes au Pakistan. Maintenant, ils disent qu’ils vont demander au Pakistan d’y mettre fin. En plus de ça, leur président vient de dire qu’il avait eu un plan pour anéantir notre pays [le 22 juillet, Trump a assuré  que s'il avait voulu gagner la guerre, "l’Afghanistan aurait disparu de la surface de la Terre", ndlr]. Comment faire confiance à un pays qui pense à vous faire disparaître  ? Les américains nous dupent depuis longtemps. Les talibans ne sont pas les seuls à demander un retrait. Les Afghans le veulent aussi. Cette guerre a été créée par eux. Quand ils partiront, elle cessera.

Les talibans font partie de ce pays. Ils doivent discuter et vivre avec nous. S’il n’y a plus d’interférence étrangère, pakistanaise et américaine, ils pourront vivre en paix avec tous les Afghans. Un chercheur français, Olivier Roy, a dit que les Pakistanais menaient les Américains par le bout du nez. Il a raison.

Est-il possible de faire confiance aux talibans en cas d’accord ?
En tant qu’Afghans, oui, totalement. Nous devons nous parler. Les talibans ont souffert exactement comme nous avons souffert. Nous avons été poussés à nous battre. Un cessez-le-feu pourrait tenir . Tout accord de paix doit aboutir à un Afghanistan stable et sans groupes extrémistes. Nous avons besoin de puissances régionales, comme la Chine, la Russie, l’Inde ou l’Iran, pour que le retrait américain ne provoque pas davantage d’instabilité dans notre pays et dans la région. Elles doivent être intégrées au processus de paix pour que chaque étape soit transparente. Nous le leur avons déjà demandé. Mais sans présence militaire.

L’un des points de l’accord de paix est que les talibans n’accueillent plus de groupes jihadistes. Mais ils sont liés à ces groupes. Ils doivent aussi se détacher du réseau Haqqani, lié à Al-Qaeda.
Ils doivent couper les liens avec les groupes terroristes. Le réseau Haqqani est afghan. Et ce sont les Afghans, dont Haqqani, qui doivent expulser les groupes étrangers. Les talibans doivent aussi y participer.

Seul le Pakistan peut forcer Haqqani à le faire…
Absolument. Mais Haqqani lui-même doit décider de se  préoccuper des intérêts afghans. Il est afghan.

En cas d’accord de paix, les talibans déposeront-ils les armes  ?
S’ils refusent , cela signifiera qu’ils ne veulent pas la paix. Les talibans sont afghans, nous le sommes tous. Mais ils doivent cesser de faire exploser des bombes et de tuer des civils au nom de leur lutte contre les Américains. Ils doivent arrêter le combat et faire partie du processus politique.

Et s’ils ne veulent pas  ?
Les Afghans ne le toléreront pas. Les talibans doivent s’asseoir avec nous et aboutir à un compromis politique. Ils pourront participer aux élections et avoir des candidats à la présidentielle et aux législatives. Ils pourront avoir des ministres. A partir du moment où les élections sont justes et que les talibans ont un parti politique, tout est possible. Mais ils devront aussi accepter que d’autres gagnent.


https://www.liberation.fr/planete/2019/08/06/hamid-karzai-les-americains-nous-dupent-depuis-tres-longtemps_1744000

chapati
Admin

Messages : 1599
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Afghanistan Empty Re: Afghanistan

Message par chapati Mer 7 Aoû 2019 - 13:10

Rions un peu avec quelques chefs de guerre (pour alléger ce fil austère).

Je raille au dessus sur l'interview de Karzaï mais sans doute que la situation en est à un point où tout peut être envisagé pour éviter la rémanence du pire dont l'Afghanistan est coutumière. En zappant sur le net, j'ai par exemple appris que Hekmatyar (ancien premier ministre afghan et pion du Pakistan), surnommé "le boucher de Kabul" pour avoir détruit le tiers de la ville sous les roquettes (voir "Histoire de l'Afghanistan" plus haut), a déclaré vouloir être candidat à la future présidentielle !
Son discours aujourd'hui est qu'il faut en finir avec la violence. Sacré Gulbuddin, toujours le mot pour rire ! L'histoire, c'est qu'alors qu'il était depuis un moment pro-taliban (et fiché terroriste), il a finalement signé en 2016 un accord de paix avec le président Ghani qui lui valut d'être amnistié par les USA. Ghani l'a alors invité en 2017 à Kabul, dans l'optique d'une poignée de main symbolique symbolisant les prémisses de la grande réconciliation nationale (à cette occasion, Hekmatyar déclarera que les talibans doivent déposer les armes). Et là, il entre donc dans la ville de ses exactions en faisant encore un coup une arrivée des plus discrètes, cette fois au sein d'un convoi de 200 voitures bardées de mitrailleuses et quelques hélicoptères. Sympa.

Il est au centre de la photo du dessous, en gris turban noir. De gauche à droite, l'ex-président Karzaï, l'actuel président Ghani, Hekmatyar, ensuite je crois un chef moudjahidin de Hérat, et Abdullah Abdullah, premier ministre de Ghani. Abdullah Abdullah est un ancien compagnon de Massoud. Il s'était présenté aux présidentielles de 2014 et fut le principal rival de Ghani (et celui de Karzaï la fois d'avant). Notons qu'il était largement arrivé en tête au premier tour (45% contre 31) et avait contesté les résultats du second (44/56). Une médiation américaine était intervenue et l'un avait hérité de la présidence, l'autre de l'exécutif (Ghani une marionnette des USA, comme semble le laisser entendre Karzaï ?)

Afghanistan 9f8c19b_KAB106_AFGHANISTAN-HEKMATYAR-_0504_11

Et là deuxième surprise de taille, toujours au détour du web : j'ai appris qu'un autre grand comique de l'époque était vice-président en 2014. Le dénommé Rachid Dostom. Souvenez-vous : cet ancien chef de la milice de Najibullah qui avait retourné sa veste une première fois pour accueillir Massoud à Kabul en 92... puis encore en 94, mais cette fois pour le virer au profit d'Hekmatyar. Dostom donc, qui disparaît à l'arrivée des talibans (les seuls qu'il n'a jamais suivi et toujours combattu) puis réapparait en 2006 à la tête d'une coalition hétéroclite de "seigneurs de la guerre" qui en fait un des principaux opposant à Karzaï.
Et puis, finalement, on le retrouve vice-président de Ghani en 2014. Est-ce pour donner le change avec un "vrai afghan", ex-chef de guerre de surcroît, qu'il s'est retrouvé là ? Quand on sait que Ghani était lui fonctionnaire à la Banque Mondiale en Amérique : parti d'Afghanistan en 1977 et revenu en 2001 comme conseiller d'un représentant de l'ONU ? Dostom donc, qui serait parti précipitamment d'Afghanistan en 2017 alors qu'il était accusé d'avoir fait séquestrer, torturer et violer un rival politique, lequel aurait notamment été sodomisé par ses gardes avec un fusil d'assaut AK-47. Ben si. Je vous l'avais dit qu'on allait se marrer. Sauf qu'il semble que c'était pas tellement du goût des américains, d'autant que tout ça prenait le chemin de rester parfaitement impuni. Notons encore que notre joyeux drille avait déjà été accusé du viol d'un de ses rivaux en 2008 (et accusé aussi d'avoir massacré sadiquement quelques milliers de prisonniers talibans). Et alcolo avec ça, un vrai boute-en-train !


Euh, qu'est-ce que je disais ? Ah oui : paix aux afghans !


PS : Les USA sont censés vouloir pacifier et stabiliser l'Afghanistan avant que d'en partir, de façon que ce pays ne redevienne plus un sanctuaire terroriste. Il semble aussi que Ghani soit possiblement une marionnette qu'ils aient mis au pouvoir pour prôner la réconciliation nationale, et avec les talibans aussi. Et qu'en guise de taliban prêt à faire la paix, tout ce que ce fameux "réconciliateur" ait trouvé, c'est ce taré d'Hekmatyar... très probablement de nouveau (ou toujours) téléguidé par le Pakistan ! Dans un sens, c'est peut-être une solution : livrer l'Afghanistan au Pakistan.
Sauf que si le Pakistan semble responsable d'une bonne partie du merdier en Afghanistan, il est en même temps en proie à d'autres groupes terroristes, eux aussi affiliés aux talibans (sans parler de Daesh), qui font sans cesse des attentats au Pakistan même. Et ces groupes-là, il ne les contrôle visiblement pas du tout. Au niveau pacification et stabilité, on a vu mieux !
Sans parler du mauvais coup de l’Inde récemment avec le Kashmir...


Dernière édition par chapati le Sam 1 Jan 2022 - 1:49, édité 2 fois

chapati
Admin

Messages : 1599
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Afghanistan Empty Re: Afghanistan

Message par chapati Jeu 8 Aoû 2019 - 13:55

Pourquoi les afghans ? Parce que je les ai jamais oublié.

On devait être une bonne vingtaine dans la pièce. Dans mon souvenir ça m'a semblé sans fin cette façon de chanter tous ensemble des machins à la gloire d'Allah : "Allah illallah muhammad rasul allah".

C'était le dernier soir. Notre hôte avait invité la moitié du village. Entretemps j'étais devenu "Shamafruz", et celle que je n'avais pu présenter autrement que comme ma femme, "Sherelli". Mon pote, ils n'avaient pas jugé bon de le débaptiser et avaient écorché son prénom en "Jordanie". Shamafruz, Sherelli et Jordanie.

A Kabul, Jordanie avait un moment pris l'habitude d'aller passer la soirée chez un jeune afghan. Un jour, le gars nous a dit qu'il allait dans son village et nous a tous invité. L'accès à la vallée était interdit mais on était si jeunes que je ne suis même pas sûr qu'on ait demandé pourquoi. Les émeraudes peut-être ? C'était en 1974. Alors pour y aller, on a du prendre un bus au milieu de la nuit. Deux heures de route et autant ou plus de piste. Montagnes pelées gris/brun, ciel bleu limpide et vallée vert tendre (bien plus clair que sur la photo dans mon souvenir) : bleu gris vert. On est arrivé au matin. A Panjshir. Le nom du village je sais pas mais pour nous, pour l'afghan, c'était Panjshir !

Afghanistan Panchir

Notre hôte était un personnage important du village. Le premier jour, il m'a demandé s'il pouvait promener "ma femme" avec lui sur son cheval. J'ai souri. Sherelli est montée derrière lui et il a fait un petit tour, cinq minutes, fier de son coup, sous le regard rigolard des villageois. On était adoptés. Plus tard à un moment, il nous a dit qu'il pouvait construire une maison pour nous, dans le village. Ouais il a dit ça. On savait pas vraiment si des étrangers étaient trop venu par là, avant. On a bien fait de refuser (j'aurais pas fait un bon moudjahidin). C'était peu avant l'hiver, il n'y avait plus grand chose à faire aux champs. L'après-midi c'était bouzkachi. Sans limite. Les types partaient à fond la caisse, on voyaient plus qu'un nuage de fumée tellement ils allaient loin... et puis ils réapparaissaient du même galop, sur les tous petits chevaux afghans. Avant de partir, Mohamed nous a filé quelques émeraudes. Des éclats plutôt... sauf ceux de Sherelli qui étaient plus gros (comme par hasard).

Mohamed avait cinq femmes (et 25 enfants). Elles étaient tranquilles avec nous, visage découvert. On riait ensemble. Un jour pour une raison qui m'échappe, elles se sont mises à engueuler ensemble Mohamed, qui est parti en courant et en faisant le guignol sous leurs rires (et les nôtres). Désolé, c'est pas exactement l'image de la femme afghane qu'on nous vend ici. M'enfin c'était des tadjiks ceci dit. Voir un visage de femme à Kandahar, c'était une autre paire de manche, déjà à l'époque.

Mais j'ai envie de raconter un autre souvenir. C'était à Kabul, et le marchand avait un manteau en peau de loup en vitrine. On était très jeune je l'ai dit. En plus, on commençait à peine à voyager. Bref je sais pas ce qui m'a pris de demander le prix. Il était beau le manteau, ça oui. Le type m'a dit un chiffre. Dans ces pays rien n'était cher à l'époque, à tel point que tout était faussé, et je ne pouvais franchement pas connaître le prix de ce genre de truc. Bref, ça a du me paraître plus cher que ce que je pensais. Aussi, histoire de savoir le vrai prix (par curiosité en fait) à partir de la façon dont le type allait répondre, tout en restant sûr qu'il n'accepte pas, j'ai proposé dix fois moins (ça arrivait à l'époque, que les types multiplient par dix). Et là, ça s'est instantanément gâté : le type a cru que je l'insultais, est devenu furieux et semblait prêt à se jeter sur moi. J'ai couru... il courrait derrière. Ça a duré un moment. Il n'y avait plus personne dans son échoppe mais ça semblait le cadet de ses soucis. Le bon côté des choses, c'est que moi qui voulais avoir une idée du prix, ça m'en a donné une ! Very Happy
C'est en repensant à ce genre d'histoire que quand les chars sont rentrés en Afgha, j'ai immédiatement pensé que les types n'étaient pas sorti de l'auberge. Dans le même style, je me souviens du retour de Panjshir. La piste descendait, un ravin à gauche. Notre bus doublait l'autre, quand d'un coup l'autre a accéléré et ils se sont mis à faire la course. Les bus étaient bourrés à craquer, côte à côte à presque à se toucher selon les chaos de la piste. Et les types tous hilares à l'intérieur. Non, c'était pas gagné pour les russes !

Sinon les afghans, le feeling, c'étaient comme des frères. La relation avec l'afghan, c'est fraternel. Eux et les tibétains, c'étaient les plus incroyables, dans le coin. Comme des blocs en fait. Bloc de fraternité pour les afghans, bloc de chaleur pour les tibétains (enfin pour le dire vite). Vous savez ces civilisations que la mondialisation (et le reste) va faire disparaître. Même que ça m'ennuie (c'est les meilleurs qui s'en vont).

En revenant des mois après, j'avais plus un rond, juste de quoi payer les transports pour rentrer. Dans les bus les afghans me nourrissaient. Ils partageaient, spontanément.

Oui je les aimais bien, les afghans.




Dernière édition par chapati le Sam 1 Jan 2022 - 1:53, édité 2 fois

chapati
Admin

Messages : 1599
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Afghanistan Empty Re: Afghanistan

Message par chapati Mer 28 Aoû 2019 - 21:41

Ahmad Massoud, fils du commandant Massoud

Ahmad Massoud, fils du légendaire commandant Massoud, a décidé de reprendre l’étendard et de lancer un mouvement d’union pour faire face aux talibans. Il dit vouloir rassembler afin d’éviter "un nouveau chaos dans le pays, un retour aux heures sombres". Il entend réunir les partisans de son défunt père et bâtir une grande coalition anti-talibans, politique d’abord, militaire si nécessaire. "Dieu m’en préserve mais si cela arrive, des centaines de milliers de jeunes sont prêts à prendre les armes", assure-t-il. Ce mouvement se veut l’héritier de l’Alliance du Nord.
Ahmad Massoud assure vouloir oeuvrer pour les seuls intérêts de l’Afghanistan.
Après avoir étudié à Londres durant sept ans et suivi une formation d’officier à l’Académie militaire, il dirige depuis son retour au pays en 2016 la Fondation qui porte le nom de son père et oeuvre pour la paix. Mais aujourd’hui, son objectif est de continuer là où son père s’est arrêté. Le moment choisi n’est pas anodin alors que les Etats-Unis semblent sur le point de conclure avec les talibans un accord de retrait de leurs troupes en échange de garanties en matière de contre-terrorisme : "Une majorité d’Afghans sont inquiets. Il ne s’agit pas d’un processus dirigé par les Afghans. Ça se passe entre les Etats-Unis et les talibans, entre les puissances régionales et les talibans. Où sont les Afghans ?".
Il estime que cet accord "va donner un sentiment de triomphe aux talibans" ; que les avoir légitimé "va donner de l’espoir aux groupes terroristes à travers le monde". Il prévient qu’un retrait précipité américain pourrait mener à l’effondrement des forces afghanes : "le gouvernement n’est pas en mesure de continuer la lutte contre les talibans", affirme-t-il, assurant que des milices, notamment dans la vallée du Panchir, se réarment en prévision du retrait américain. Selon lui, l’accord américano-taliban ne s’attaque pas au coeur du problème, le système politique : "Si nous ne nous engageons pas dans un processus qui décentralise le pouvoir en Afghanistan, qui le distribue à tous, nous ne résoudrons rien"

https://www.nouvelobs.com/monde/20190828.OBS17664/en-afghanistan-le-fils-du-commandant-massoud-reprend-le-combat-de-son-pere.html

chapati
Admin

Messages : 1599
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Afghanistan Empty Re: Afghanistan

Message par chapati Dim 8 Sep 2019 - 10:41

Donald Trump a annoncé qu’il mettait fin aux négociations de paix engagées depuis un an avec les talibans.

Fin des négociations de la honte !


"Qui sont ces gens qui tuent autant de monde pour soi-disant faire monter les enchères ? Ils ont échoué, ils n'ont fait qu'aggraver leur position ! S’ils sont incapables d’accepter un cessez-le-feu durant ces discussions de paix très importantes, et sont en même temps capables de tuer douze innocents, alors ils n’ont probablement pas les moyens de négocier un accord significatif. Pendant combien de décennies encore vont-ils se battre ?", s’est interrogé Trump.

Je sais pas trop s'il comprend, mister président. C'est pas un contrat. Que les attentats terroristes se soient multipliés pendant les négociations n'est pas forcément un truc pour "faire monter les enchères", mais plutôt quelque chose qui révélerait que les chefs talibans aiment la guerre (et ne seraient éventuellement prêts à échanger ce type de façon de vivre que contre la jouissance du pouvoir absolu) ? En clair ils n'aggravent aucune position car ils pourraient très bien s'en foutre que la guerre s'arrête ou pas !


Dernière édition par chapati le Ven 3 Sep 2021 - 14:49, édité 1 fois

chapati
Admin

Messages : 1599
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Afghanistan Empty Re: Afghanistan

Message par chapati Lun 9 Sep 2019 - 6:09

J'apprends que des négociations se tiennent aussi à Moscou. Dingue, on n'en entend jamais parler ici ! Ça explique du coup l'interview de Karzaï. Voici en résumé ce qu'en dit le Monde Diplomatique :

En 2018, Trump rappelle sept mille soldats d’Afghanistan. La volte-face change alors le contenu du dialogue engagé à Doha. Les talibans n'acceptent de discuter avec lui que s'il a un plan de retrait de ses troupes. Trump a partiellement cédé pour en finir et les talibans le sentent. Le Pentagone propose alors de rappeler la moitié de ses quatorze mille soldats, tandis que les huit mille militaires de la coalition ne s’occuperaient que de former et d’encadrer l’armée afghane. Mais personne ne sait s'il a négocié ça au préalable avec ses partenaires. Les talibans refusent ce plan et pendant ce temps, ils gagnent du terrain. Mais toute concession démesurée serait facteur d’affaiblissement, sinon de fracture, car incomprise par la base. Ils n’ont pas la prétention de conquérir militairement la totalité du territoire : l’armée afghane, même fragilisée, est bien là, alors qu’elle n’existait pas lors de leur première apparition en 1994. C’est en tout cas ce qu’ils ont dit à la dernière conférence de Moscou.

Car Poutine a lancé en 2016 un processus concurrent avec les talibans. Pour lui ils sont moins dangereux que l’État islamique : ils ont un projet national quand l’OEI en a un de terrorisme mondialisé qui peut déstabiliser son pré carré en Asie centrale. D’emblée, les conférences de Moscou réunissent les pays susceptibles de partager la même analyse, le Pakistan, l’Iran et la Chine, rejointes par les républiques d’Asie centrales. En 2019 et entre deux sessions à Doha, Moscou organise une conférence entre la délégation talibane de Doha et une autre délégation formée des principaux opposants à Ghani, le tout dirigé par l’ancien président Karzaï. Tout se passe comme si Poutine anticipait le retrait américain et l'affaiblissement voire l'effondrement de l’armée afghane et du régime actuel. La conférence de Moscou établit toutefois des passerelles. Karzaï rend compte à son successeur Ghani de la mission qu’il a conduite à Moscou. Ghani convoque alors une assemblée consultative (Loya Jirga), représentative de tous les courants de la société afghane et susceptible de devenir un interlocuteur acceptable pour les talibans.

Poutine cherche ce que recherchaient avant lui les anglais et plus tard les Pakistanais : favoriser la mise en place d’un régime obligé, contrôler l’Afghanistan et en faire un État tampon pour se prémunir des insurrections et du terrorisme. Il veut éliminer l’OEI, à ses yeux une menace majeure. En invitant les talibans à rencontrer une délégation de l’opposition afghane dont la plupart des membres sont des anciens de l’Alliance du Nord, il veut leur éviter de répéter les erreurs de 1996, lorsqu’ils s’étaient aliéné toutes les populations non pachtounes et s’étaient isolés sur la scène internationale. L’ancien homme fort de la Ligue du Nord, Muhammad Noor, pense que pour arriver à la paix, il faut d'abord former un gouvernement intérimaire qui inclurait les talibans et prendrait en charge l’organisation d’élections transparentes.

L’Afghanistan détient des ressources considérables qui attisent les appétits : cuivre, cobalt, or, lithium, gaz, pétrole. Des projets sont dans les cartons mais peinent à se développer pour cause d’insécurité. Les intérêts économiques et stratégiques des États impliqués sont loin de converger. C'est sans doute pourquoi les conférences peinent à trouver le chemin de la paix.

https://www.monde-diplomatique.fr/2019/04/LEFEUVRE/59705

chapati
Admin

Messages : 1599
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Afghanistan Empty Re: Afghanistan

Message par chapati Sam 28 Sep 2019 - 8:06

Elections présidentielles, jour J.


Afghanistan B25d0a99d3434b15970236d53da228cb_7

Trois candidats sérieux : Ashraf Ghani, président sortant, dont tous disent qu'il est un pion au service des américains ; Abdullah Abdullah, ancien compagnon de Massoud, qui pourrait bien s'être déjà fait voler l'élection présidentielle précédente ; Gubulddin Hekmatyar, peut-être lui un pion au service du Pakistan (bien qu'il s'en défende haut et fort). Outre ces trois-là, Ahmed Wali Massoud, le frère cadet d'Ahmed Shah Massoud ; Rahmatullah Nabil, pachtoune mais opposé et aux talibans et à Ghani ; et Abdul Latif Pedram, laïque tadjik qui propose depuis longtemps un Afghanistan fédéral (voir ci dessous) :
Abdul Latif Pedram : Les États-Unis et leurs alliés poursuivent leur propre intérêt stratégique dans la région, qui consiste à dominer les ressources par des moyens militaires et à mettre en place des régimes fantoches comme celui de Kaboul, qui n'a pas de soutien populaire. Les injustices sociales, les inégalités ethniques et tribales, l'oppression et le chauvinisme pachtoune sont la marque de ce gouvernement.

Nous croyons que le fédéralisme est le meilleur choix pour l’Afghanistan. Les pays qui ont connu des conflits ethniques et tribaux et qui ont été sur le point de se désintégrer ont considéré le fédéralisme comme un facteur unificateur. Le fédéralisme démocratise le pouvoir, permettra aux peuples du pays de devenir les maîtres de leur destin politique au sein de leurs provinces. Si les États-Unis, l'OTAN et ses alliés tiennent à la paix, ils devraient alors soutenir le fédéralisme afghan. Cependant, depuis l'accord de Bonn, les États-Unis ont tenté d'imposer la tribu pachtoune à d'autres tribus.

https://www.aljazeera.com/news/2016/02/qa-afghanistan-tajiks-plea-federalism-160206152351532.html


EDIT : en outre, il est étonnant de noter que chaque candidat est très longuement interviewé par la télé afghane (environ une heure vingt), même d'encore plus "petits" que Latif Pedram. Il a donc vraiment le temps d'exprimer ce qu'il a à dire, même si bien sûr, la régularité de l'élection n'est pas garantie. Ça fait en tous cas un sacré contraste avec nos "vieilles démocraties" où des candidats bien plus importants sont virés manu militari par des journalistes qui font la pluie et le beau temps en matière politique, et surtout à cet espèce de routage de gueule en forme de show à l'américaine ou chaque candidat pourtant jugé important par telle chaîne a à peine de temps de s'exprimer une minute ou deux sur chaque sujet.

chapati
Admin

Messages : 1599
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Afghanistan Empty Re: Afghanistan

Message par chapati Ven 22 Nov 2019 - 10:47

Juste un mot.

Les élections présidentielles ont eu lieu il y a bientôt deux mois (le 28 septembre). Des gens se tuer en allant voter. La dernière fois, ils étaient environ 50 % à s'être déplacés malgré les menaces des talibans. Abdullah Abdullah avait eu 45 % des voix au premier tour contre 31 à Ashraf Ghani. Au second, Abdullah Abdullah a à peine progressé quand Ghani a presque doublé son score. Devant les protestations, les Etats-Unis ont déclaré Ghani président et Abdullah Abdullah premier ministre. Est-ce pour cela ou en raison de l'inefficacité du gouvernement qu'ils n'étaient cette fois que 20 % à s'être déplacés ?

Les premiers résultats devaient avoir lieu le 29 octobre je crois, puis ont été repoussés au 14 novembre.

On est le 22...


(à ce rythme le dépouillement d'une élection en Inde prendrait dans les quinze ans...)




EDIT : dans Libé ce matin :

Ghani et les talibans prétendent que l'Etat Islamique aurait été éradiqué par les talibans !?
(à confirmer)


EDIT 2 : le lien est ici. Je le mets parce que j'ai du taper "Afghanistan" pour le retrouver sur Libé d'où il avait disparu, et personne n'en a parlé à la télé. Fake new de la part de Ghani et ses copains pour des raisons stratégiques électorales ? Ou bien on nous bassine qu'on est en guerre depuis quatre ans et quand l'ennemi meurt, tout le monde s'en fout parce que y'a plus important : un type a dit un gros mot sur la toile. Ça avait été pareil avec la fille de #balancetonporc condamnée, c'est à peine si on a eu droit à l'information. En plus faut qu'on soit fier d'être français gnagna, sans doute que ça doit inclure aussi le fait de se contrefoutre du sort de quinze millions d'afghans : il semble que personne n'ai seulement ouvert ce lien dans Libé... je n'y vois personnellement aucun motif de fierté.

chapati
Admin

Messages : 1599
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Afghanistan Empty Re: Afghanistan

Message par chapati Mar 10 Déc 2019 - 0:34

"Afghanistan Papers"
Le Washington Post a publié le contenu d’interrogatoires de personnes impliquées dans cette guerre.

Au début, l’invasion américaine en Afghanistan avait un objectif clair : exercer des représailles contre al-Qaida et empêcher la répétition des attaques du 11 septembre 2001. Mais, petit à petit, les objectifs se sont multipliés, au point de devenir de plus en plus flous. L’ennemi était-il al-Qaida ou les talibans ? Le Pakistan était un ami ou un adversaire ? Selon le Washington Post, ces documents montrent que le gouvernement n’a jamais trouvé de réponse. Sur le terrain, les troupes américaines ne savaient pas distinguer l’ennemi de l’allié. Au Pentagone également : dans une note de service de 2003, Rumsfeld se plaint de n'avoir "aucune visibilité sur qui sont les méchants". Les américains sont dépourvus d’une compréhension fondamentale de l’Afghanistan, ils n'ont pas la moindre idée de ce qu'ils entreprennent. Pour débarrasser l'Afghanistan des talibans, ils veulent en faire un pays moderne avec un gouvernement central fort, une armée et une police compétente, et ils dépensent sans compter : mille milliards de dollars depuis 2001. Mais c'était une erreur d’avoir voulu imposer rapidement la démocratie en Afghanistan parce qu'elle n’a pas d’antécédents de ce type. De l’argent a été versé avec ordre de le dépenser, ce qui fut fait. On a fait marcher la planque à billet pour développer les écoles et les infrastructures dans le but d’améliorer la sécurité et d’atténuer le sentiment anti-américain de la population. Mais cet afflux d’argent a également renforcé la corruption à un niveau inégalé avec l’administration d'Hamid Karzaï. La population aurait alors assimilé la démocratie à la corruption.

https://www.lefigaro.fr/international/afghanistan-papers-ce-que-revelent-les-documents-obtenus-par-le-washington-post-20191209#xtor=AL-201

chapati
Admin

Messages : 1599
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Afghanistan Empty Re: Afghanistan

Message par chapati Dim 22 Déc 2019 - 19:18

Résultats de l'élection

Selon les résultats préliminaires, Ashraf Ghani remporte l'élection (50,64 %), Abdullah (39,52) conteste.

Les résultats définitifs seront annoncés une fois que les réclamations déposées par les candidats auront été traitées. Abdullah Abdullah a annoncé que "notre équipe n’acceptera pas le résultat de ce vote frauduleux si nos demandes légitimes ne sont pas prises en compte".

L’élection devait être la plus propre jamais organisée dans la jeune démocratie afghane, une entreprise allemande ayant fourni des machines biométriques pour empêcher les gens de voter plus d’une fois. Mais près de 1 million de votes, sur les 2,8 millions recensés, avait été écarté pour irrégularités. Avec 1,8 million de votes restants, pour 9,6 millions d’électeurs enregistrés, cette élection a connu le plus faible taux de participation de tous les scrutins afghans.

https://www.lemonde.fr/international/article/2019/12/22/afghanistan-ghani-remporte-la-majorite-au-scrutin-presidentiel-abdullah-conteste_6023781_3210.html
Un million de votes refusés sur trois ! La participation aurait donc peut-être été de 30 % et non 20 comme je l'ai dit, et c'est juste aujourd'hui qu'on est au courant de ce chiffre, pourtant visiblement pris en compte dès le début ! Les afghans eux-mêmes en ont-ils seulement eu connaissance à un moment ?


Voilà comment on nous informe (aujourd'hui seulement) de ce qui se serait passé (même article) :
Abdullah Abdullah avait demandé l’arrêt du décompte des voix pour "sauver le processus des fraudeurs". Son camp, jugeant que quelque 300 000 bulletins validés par l’IEC posent un problème, avait interrompu le processus de dépouillement dans sept provinces, avant de permettre qu’il reprenne mi-décembre.
Abdullah Abdullah parlait de bulletins validés par l'IEC et ne semblait donc pas lui-même être au courant de l'existence de 2,8 millions de votants !


Or ici dans l'article du Monde du 28 septembre (jour de l'élection), remanié le 6 octobre, il est déjà écrit :
Selon la commission électorale indépendante (IEC), près de 2 millions d’électeurs, sur 9,6 millions d’inscrits, se sont déplacés.
Hum... on dirait qu'ils sont plus rapides pour repérer les votes non conformes que pour compter les voix !
(sinon, c'est quoi une "commission indépendante" en Afghanistan ?)


Pour ceux qui n'aiment pas les chiffres, Ghani "aurait obtenu" 900.000 voix, Abdullah 700.000, et un million auraient disparu dans la nature...

pig


EDIT : et pour finir, le 2 novembre, voici ce que déclarait l'IEC :
M. Awrangzeb, le commissaire de la CEI, a informé les médias du début du processus d'audit et de recomptage et a ajouté: «les données biométriques valides et celles présentant des problèmes ont été partagées avec la Commission. Sur 1 929 333 données biométriques sur les électeurs, 1 843 107 étaient valides et le reste s'est révélé contraire aux critères »
Pas un mot donc sur ce million de votes écartés pour irrégularités.
C'est ici (cliquer sur "La CEI reçoit un rapport sur les votes biométriques valides et invalides").


chapati
Admin

Messages : 1599
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Afghanistan Empty Re: Afghanistan

Message par chapati Mar 3 Mar 2020 - 19:35

Neuf jours de  cesser-le-feu en guise de plan de paix...

La principale fragilité de l’accord de Doha est que le gouvernement afghan n’en est pas cosignataire. Au cœur de l'accord est prévu un retrait militaire américain en échange de l'arrêt du soutien taliban aux djihadistes internationaux. Pour le reste, Kaboul et les talibans doivent maintenant parvenir à imposer un cessez-le-feu durable et négocier l’avenir du pays. Les talibans vont-ils accepter de partager le pouvoir ? Quid des minces progrès accomplis ces années en matière de droits humains, et particulièrement de droits des femmes ? L’Afghanistan entre dans une nouvelle ère d’incertitudes. Au moins appartient-il dorénavant aux Afghans d’écrire la suite de leur histoire.

https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/02/afghanistan-une-paix-en-forme-de-defaite_6031501_3232.html

"Aux afghans d'écrire leur histoire" ? Ben voyons... ou aux talibans, ou aux pakistanais, voire à Daesh etc. Le cesser-le-feu a en tous cas duré exactement neuf jours, soit deux de plus que la bouffonnerie exigée par les américains avant la signature des accords, comme quoi les talibans devaient faire preuve de leur bonne volonté via un cesser le feu d'une semaine. Ensuite Ashraf Ghani a refusé d'échanger 5000 prisonniers talibans contre 1000 membres des forces afghanes, ce qui était stipulé dans l'accord en amont des négociations futures. Résultat les talibans ont rompu le pacte de non-agression et les attentats ont aussitôt repris. Ghani est pourtant réputé être une marionnette aux mains des USA, sauf que la marionnette s'est peut-être aperçue qu'en guise de plan de paix, la signature ressemblait à s'y méprendre à une retraite précipitée des américains... qui se barraient en lui laissant le bébé sur les bras ! Or 5000 soldats talibans, ça paraît bien plus efficace que 1000 soldats de l'armée régulière afghane. Et comme Ghani a toutes les raisons de ne pas faire confiance aux talibans qui, outre le traiter de marionnette, nient la légitimité de son élection (élection qu'en plus Abdullah Abdullah conteste), autant dire qu'ils sont sacrément optimistes au Monde pour en conclure que les afghans vont désormais "écrire leur histoire" !

chapati
Admin

Messages : 1599
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Afghanistan Empty Re: Afghanistan

Message par chapati Lun 1 Juin 2020 - 19:35

Abdullah Abdullah a obtenu on ne sait comment de partager une nouvelle fois le pouvoir avec Ghani. Sous son autorité bien entendu. Le protocole de paix avance à l'afghane : un jour une des parties libère cent prisonniers, le lendemain une bombe tue 50 civils...

chapati
Admin

Messages : 1599
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Afghanistan Empty Re: Afghanistan

Message par chapati Jeu 2 Sep 2021 - 11:05

Portraits de Jean-Pierre Perrin

En ce moment sur Médiapart, une série d'articles passionnants de Jean-Pierre Perrin (réservé aux abonnés), et en particulier trois portraits de grandes figures du jihad afghan : Abdallah Azzam, Oussama Ben Laden et Djalâlouddine Haqqani. Passionnant parce qu'outre raconter le cheminement des uns et des autres, il nous permet de mieux comprendre les événements qui s'y associent et qui s'enchevêtrent entre eux un peu dans tous les sens. Un petit résumé d'abord :

Abdallah Azzam est palestinien, il a longuement étudié la théologie. Sa spécificité ? Une nouvelle vision du jihad. Jusqu'à présent, celui-ci était dévolu au bon vouloir de religieux qui le décrétaient quand le pays était menacé, encourageant ainsi la population à le défendre. Mais Azzam a une autre vision : les pays, les frontières, il s'en fiche, pour lui le monde c'est l'Oumma (la communauté des musulmans) et le reste est anecdotique. A ce titre, il va décréter que que la jihad n'est plus une histoire de pays à défendre, mais concerne la globalité du monde musulman. Du coup point besoin des religieux affiliés à tel ou tel pays : un endroit du monde musulman est menacé, et n'importe quel musulman peut voire doit se faire un devoir d'y aller pratiquer la guerre sainte. Il mettra ses théories en pratique après l'invasion soviétique en Afghanistan. Il se rend au Pakistan et de là, crée un mouvement destiné à faire venir des combattants musulmans d'un peu partout dans le monde, en fait des pays arabes principalement. Il y est d'autant poussé qu'il manifeste un vrai mépris pour les chefs de guerre afghans, qu'il considère comme des adorateurs d'idoles (de saints pour être précis) et donc bien loin de la vérité du Coran (le seul qui force son admiration est Massoud, qui selon lui se bat pour l'Afghanistan et cela seul). La qualité de ses prêches alliée à son grand savoir théologique font qu'il est extrêmement respecté un peu partout chez les musulmans les plus radicaux. Il meurt en 1988 dans l'explosion d'une voiture piégée.

A un moment, il sera rejoint au Pakistan par Oussama Ben Laden, qui avait été auparavant son élève à Djeddah, où il enseignait un moment la théologie. Grâce à ses fonds quasi inépuisables, Ben Laden l'aide à recruter et payer les volontaires venus de l'étranger. Les recrues commencent à arriver, et les deux hommes quittent Peshawar pour trouver un espace apte à les former à la guerre. Ils se retrouvent à la frontière pakistano-afghane, dans l'une des zones tribales aux mains des seigneurs de la guerre. Mais Azzam et Ben Laden vont bientôt diverger dans leur vision du jihad. Azzam est pragmatique et concentré sur l'Afghanistan quand Ben Laden semble rêver. Ou peut-être est-il fou ? Son rêve en tous cas ne s'arrête pas à l'Afghanistan : il délire sur le monde entier. Enfin vient la rencontre entre Ben Laden et un nouveau venu, un ancien prisonnier égyptien ultra-radical, Ayman al-Zawahiri, médecin venu lui aussi faire la jihad. Et de cette rencoontre naîtra Al-Qaïda, en 1988.

Après la mort d'Azzam, Ben Laden et al-Zawahiri se retrouvent finalement au Waziristan, dans le fief d'un autre chef de guerre, Djalâlouddine Haqqani. Haqqani est pashtoun, et l'une de ses spécificité est au départ de travailler en bonne entente avec l'ISI et les américains. Il a de aussi très bonnes relations avec le mollah Omar, mais n'a jamais adhéré à Al-Qaïda (notons que Ben Laden est lui aussi en bonne entente avec mollah Omar, avec qui il a tissé des liens, en particulier au travers des mariages entre leurs familles respectives). Haqqani se radicalisera de plus en plus au fil du temps, jusqu'à devenir l'auteur des attentats les plus atroces. D'allié, il deviendra ainsi l'un des pires ennemis des USA (tout en gardant de bonnes relations avec l'ISI). Il meurt en 2018, laissant son réseau aux mains de son fils Sirajouddine Haqqani, lequel est lui en bonne entente avec tout le monde, en fait : talibans, EI, ISI et jusqu'à Al-Qaïda. Sirajouddine est aujourd'hui l’un des membres du triumvirat qui compte pour les talibans afghans. Les deux autres sont Haibatullah Akhundzadeh, théologien pashtoun né à Kandahar, qui exerce une vraie influence spirituelle auprès des talibans ; et le co-fondateur des talibans (avec le mollah Omar, décédé), Abdul Ghani Baradar, qu'on a vu récemment revenir du Qatar où il menait les négociations avec les américains.

Enfin, le dernier article de Perrin retrace l'historique de l'EI dans la région. Le Pakistan, tout en soutenant depuis le début les talibans en Afghanistan, a fort à faire depuis longtemps avec la branche pakistanaise. Nombre d'attentats y ont été commis depuis 2004, tout aussi abominables que ceux de l'autre côté de la frontière, et beaucoup seraient imputables à un groupe du nom de Tehreek-el-taliban Pakistan (TTP), ayant des accointances avec Al-Qaïda. En 2015, le TTP fait finalement allégeance à l'EI. Puis c'est d'une scission de ce mouvement que naîtra la branche afghane de l'EI, appelée l'EI-Khorason. L'EI afghane est théoriquement en perte de vitesse après les succès talibans, mais pourrait retrouver des associés avec les groupes talibans qui ont refusé les accords de Doha. Il aurait en outre des liens étroits avec le réseau Haqqani.

Ces portraits font un sérieux tri des forces en présence, ce qui n'est pas du luxe vu l'écheveau emmêlé autour des protagonistes. Il dévoile un peu de l'historique dont on dispose pour montrer les relations entre ces groupes, qui vont de la compatibilité à la détestation, en passant par toutes les nuances qu'on veut. Les talibans ne sont en tous cas plus le réseau relativement homogène qu'ils étaient sous mollah Omar, et l'on ne sait trop jusqu'où la multitude de branches qui y sont ralliées sont prêtes à s'accorder. Talibans et l'EI se détestent, mais on en a vu d'autres, en matière de revirement. Pour l'ISI, il n'est pas si facile de savoir son influence réelle sur les uns et les autres, d'autant qu'il semble que beaucoup rêveraient s'en affranchir, mais sans renoncer pour autant à un éventuel appui, si besoin était. Depuis la mort de Ben Laden, Al-Qaida est sous l'égide de al-Zawahiri et est sans doute affaibli, mais pas mort pour autant, d'autant que l'EI, outre ses velléités propres sur l'Afghanistan, semble avoir le même genre de réjouissances à proposer. Quant à Haqqani, il a la réputation d'être un des chefs talibans les plus durs, tout en gardant de bonnes relations avec tout le monde. Bien difficile donc de savoir de quel côté il penche (au cas où il pencherait d'un côté) mais il est une force qui compte et sans doute vaut-il mieux l'avoir avec soi que contre...



Note : Existe un billet lisible sur Médiapart ici, qui commence pareil, puis poursuit en parlant du qawm en Afghanistan et en tentant un parallèle entre ce système et celui des chasseurs-cueilleurs dans les temps très anciens. J'avais commencé par mettre ici le billet entier de Médiapart, mais c'est un peu hors-sujet ici, je me contente donc de cette description issue donc de Jean-Pierre Perrin sur les forces en présence.

chapati
Admin

Messages : 1599
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Afghanistan Empty Re: Afghanistan

Message par chapati Sam 7 Mai 2022 - 19:06

Il y avait deux types de talibans, ceux qui n'avaient pas changé depuis 2000, et d'autres qu'on pouvait espérer plus conciliants, plus à même de faire des compromis diplomatiques afin de garder à l'Afghanistan un petit bout de place dans le monde dit "civilisé". J'ai peur que les premiers n'aient pris le dessus. Un décret vient en effet de tomber qui oblige toutes les femmes à se voiler intégralement dans l'espace public.

En mars déjà, une nouvelle peu rassurante était tombée : le jour même où collégiennes et lycéennes reprenaient les cours, elles avaient été obligées de faire demi-tour et de rentrer chez elles. La mesure était supposée provisoire, en attendant de trouver je-ne-sais quoi, peut-être justement une tenue ou uniforme qui daigne rassurer les talibans. Lycées et collèges de filles rouvriront-ils après l'application de ce décret sur le voile ? Difficile à dire (les jeunes femmes sont pour le moment encore autorisées dans les universités).

"Les femmes qui ne sont ni trop jeunes ni trop vieilles devraient voiler leur visage, à l’exception de leurs yeux, selon les recommandations de la charia, afin d’éviter toute provocation quand elles rencontrent un homme" qui n’est pas un proche membre de leur famille, ajoute ce décret. Si elles n’ont pas d’importante tâche à effectuer à l’extérieur, il est "mieux pour elles de rester à la maison" (sic). (voir lien)

A ce stade, on voit plus trop quoi espérer. Jean-Pierre Perrin (voir ci-dessus), connaisseur de l'Afghanistan et auteur de très bons articles dans Médiapart, était plus pessimiste que moi, et dès le retour des talibans au pouvoir. J'ai bien peur que ce soit lui qui ait eu raison. On peut écouter une interview récente de lui ici.


EDIT : à part ça, alerte TV. Sur CNews en tous cas, je viens d'entendre des types raconter strictement n'importe quoi sur l'Afghanistan. Il n'y a donc pas que le covid qui génère des types qui viennent pérorer leurs fake news sur les chaînes d'info... et avec quelle emphase ! C'est tout juste si ces rigolos s'intronisent pas spécialistes de l'Afghanistan. Effarant !



chapati
Admin

Messages : 1599
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Afghanistan Empty Re: Afghanistan

Message par chapati Mer 3 Aoû 2022 - 5:51

Mort de al-Zawahiri

Longtemps caché dans les montagnes de l’Hindū Kush, le chef d’Al-Qaïda été tué dimanche par un drone américain dans le quartier le plus sécurisé de Kaboul. Nombre de responsables talibans y vivent et sa présence parmi eux est en violation des accords de Doha. À moins que ceux-ci n’aient délibérément "donné" Ayman al-Zawahiri aux États-Unis.

https://www.mediapart.fr/journal/international/020822/mort-de-zawahiri-des-montagnes-de-l-hindu-kush-un-quartier-chic-de-kaboul

Tel est tout ce qu'on peut lire (en tant que non-abonné) de l'article de Jean-Pierre Perrin dans Médiapart.

Comme expliqué plus haut, al-Zawahiri était donc le co-fondateur d'Al Qaïda, avec Ben Laden. Perrin dit que sa présence à Kabul était en violation avec les accords de Doha. J'ai plus confiance en lui qu'en moi sur ce dossier, mais je me demande quand même si l'accord était de ne pas donner refuge à des types dans son genre ou de ne de ne pas donner refuge à de quelconques camps d'entraînement d'Al-Qaïda.
Bon, peu importe dans un sens. L'essentiel en tous cas est surtout dans sa supputation suivante : aurait-il été "donné" par les talibans ? Parce que ce qui trouble, quand même, c'est pas tant de le retrouver dans le quartier chic de Kabul que le fait que ce type n'hésitait pas à s'y montrer sur son balcon alors qu'une prime de 25 millions de dollars était promise par Biden à quiconque donnerait des infos permettant de mettre la main sur lui. Il aurait donc du y avoir un paquet de gens au courant de sa présence, et 25 millions de dollars c'est une somme rondelette...

Rien de plus à dire pour le moment. Le reste de la presse radote sinon des évidences sans intérêt, voire balance des infos plus ou moins aléatoires, à ce que j'ai pu en lire (lien). Comme quoi par exemple Al-Qaïda serait de toutes façons décentralisé, et en particulier en Afrique : info qui ne mange pas de pain, et surtout ne dit en rien si les branches africaines seraient autre chose qu'un label, et seraient en quoi que ce soit susceptibles de perpétrer de nouvelles attaques contre l'Occident, soit a priori et m'a-t-il semblé le souci de Biden.


Mais dieu soit loué, existe l'inénarrable Monde qui lui, sait informer le lecteur (...)
La frappe de drone américain est l’une des premières manifestations publiques d’une guerre secrète menée par les E-U en Afghanistan, depuis leur retrait à l’été 2021. On pouvait croire, alors, que la fin de toute présence américaine sur le sol afghan signifiait que Washington abandonnait toute volonté de peser sur le futur de ce pays. Il n’en est rien.
De source diplomatique française, le chef d’Al-Qaida serait venu avec sa famille, en mai, en Afghanistan, protégé par le réseau Haqqani. La façon dont l’arrivée d’Ayman Al-Zawahiri est parvenue aux oreilles de l’espionnage américain relève encore de l’hypothèse, mais l’aide initiale d’un service secret de la région ayant eu connaissance de son installation paraît privilégiée par la communauté du renseignement français.

https://www.lemonde.fr/international/article/2022/08/04/la-mort-du-chef-d-al-qaida-illustre-les-nouvelles-formes-de-la-guerre-americaine-en-afghanistan_6137088_3210.html
Décryptage (comme on dit) : Le Monde semble avoir un informateur lui donnant des "infos" issues du renseignement français. Informateur selon lequel l'info de la venue d'al-Zawahiri en Afgha passerait par l'espionnage américain, sauf qu'on sait pas comment il l'a eu, si ce n'est qu'on ne sait quelle communauté du renseignement français (dont à coup sûr l'informateur fait partie) penserait qu'existe une piste comme quoi on ne sait quel service secret (américain, afghan ?) de la région l'en aurait informé.

Ah que voilà de l''info quelle et bonne : on y voit d'un coup bien plus clair Very Happy. Et l'on comprend forcément que du coup, Washington ne puisse que vouloir peser sur le futur de l'Afghanistan (et là, y'a plus de conditionnel, même un fact-checker ne saurait mieux dire).

Décidément et je ne sais pourquoi, j'aurais préféré lire l'article de Jean-Pierre Perrin...


chapati
Admin

Messages : 1599
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Afghanistan Empty Re: Afghanistan

Message par chapati Lun 12 Sep 2022 - 11:04

Afghanistan : le prix de la paix (documentaire)


Hier soir, un documentaire sur la 5 se trouve raconter autre chose que ce qu'on entend de partout, à savoir que, au point où l'on en est, les talibans seraient la moins mauvaise solution pour l'Afghanistan. C'est bien fait et intéressant, et on peut le revoir ici sur France.tv jusqu'au 18 janvier (inscription gratuite) :




On y parle de 176 000 morts et de 2 300 milliards de dollars dépensés par les États-Unis, pour un retour donc à la case départ. D'un Afghanistan construit par l’Occident et balayé comme un château de cartes. On entend des témoignages des deux camps mêlés d'archives qui disent l'échec des États-Unis, leurs erreurs, leurs dénis, leur entêtement. Il est question d'une funeste erreur d’analyse quand la Maison Blanche décida au lendemain des attentats du 11-Septembre d’intervenir en Afghanistan, faisant fi des voix qui, au sein même des services secrets, tentaient d’alerter sur le fait que les talibans avaient peu à voir avec cet attentat. Les seigneurs de guerre furent alors achetés, remis au pouvoir, et les partisans des talibans massacrés en masse ou contraints à l'exode (j'ignorais en partie cet épisode).

Il y est question ensuite d'un accord avec mollah Omar non-respecté par les États-Unis, qui aurait remis les talibans réfugiés au Pakistan sur le chemin de la guerre, ce qui amena à toujours plus de soldats US pour faire face à une guérilla à laquelle ils n’étaient pas préparés. Et enfin d'aides insensées déversés à la société afghane, qui alimentèrent essentiellement  une corruption généralisée et firent de Kabul une bulle économique. Les campagnes, elles, n'en profitèrent jamais, ce qui nourrit la rancœur des ruraux tout en redorant l’image des talibans non corrompus (et déjà à pied d'œuvre).
Les américains finirent d'être discrédités par l'emploi croissant des drones causant la destructions de nombreux villages et des erreurs de cibles incessantes (pour une cible atteinte, 9 morts, talibans ou non).

https://www.francetelevisions.fr/et-vous/notre-tele/a-ne-pas-manquer/afghanistan-le-prix-de-la-paix-une-guerre-pour-rien-13347


Selon Le Monde (lien), cette conclusion sur les talibans comme "solution la moins pire" ferait écho aux dires de Gilles Dorronsoro, conseiller historique du documentaire, qui estime qu'au cours de l’histoire afghane, eux seuls avaient su amorcer une "véritable construction nationale".

Me méfiant du Monde, mais Dorronsoro étant un grand spécialiste de l'Afghanistan, je vais voir sur le net, et là je tombe sur une interview avec lui et Olivier Roy (en qui j'ai très confiance). L'interview est d'autant intéressante que - ô miracle - l'intervieweuse pose de bonnes questions ! A noter qu'elle date d'un mois seulement après la prise du pouvoir des talibans (09/2021), et donc à un moment où l'on ne savait rien du futur de leur gouvernance. Notons encore que les propos de Dorronsoro n'équivalent bien sûr en rien à adouber les talibans, n'en déplaise aux théoriciens simplistes du Monde...
(au passage on entend aussi Dorronsoro démolir Gilles Kepel tout à fait à la fin, un vrai bonheur)




Et pour le même prix, une interview récente (avril) et toujours aussi passionnante d'Oliver Roy...




chapati
Admin

Messages : 1599
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Afghanistan Empty Re: Afghanistan

Message par chapati Lun 6 Nov 2023 - 5:47

Au Pakistan, 1,7 million d’afghans menacés d’expulsion

Début octobre, le gouvernement pakistanais a donné aux Afghans en situation irrégulière jusqu’au1er novembre pour quitter le territoire, sans quoi ils seront expulsés vers leur pays d’origine. Une décision qui concernerait 1,7 millions de personnes, selon les autorités pakistanaises. Pour justifier leur décision, les autorités ont évoqué le nombre croissant d'attentats qui frappent le Pakistan depuis la prise de pouvoir des talibans. Des attaques qu’ils imputent à des groupes basés en Afghanistan, ce que Kaboul nie.
Au cours de plusieurs décennies de guerre, des millions d’Afghans ont traversé la frontière avec le Pakistan, avec pour seul document leur carte d’identité. Depuis la prise de pouvoir des talibans en août 2021, 600.000 Afghans seraient entrés dans le pays. Désormais, seuls ceux en possession de passeports et de visas valides y seront autorisés.

https://www.liberation.fr/international/asie-pacifique/au-pakistan-17-million-dafghans-menaces-dexpulsion-dans-deux-jours-20231030_VDKXC3RVYFANNA3HGLEGEGJFX4/

chapati
Admin

Messages : 1599
Date d'inscription : 28/02/2017

https://philo-deleuze.forumactif.com

Revenir en haut Aller en bas

Afghanistan Empty Re: Afghanistan

Message par Contenu sponsorisé


Contenu sponsorisé


Revenir en haut Aller en bas

Revenir en haut


 
Permission de ce forum:
Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum