Comment penser le rapport entre le fascisme et les réseaux sociaux ?

Bonjour Damien,

En fait, je ne vois pas bien pourquoi il faudrait passer par je ne sais quel concept deleuzien pour parler du fascisme des réseaux sociaux. J'avais en fait lancé le titre de ce fil à partir d'un constat après quelques expériences de forums, dont une dernière, sur un forum dit "de philo", sans avoir une idée en tête d'en faire un vrai thème de réflexion.
Pour ce que j'en pense, le problème, c'est que personne ne semble souhaiter penser sur un réseau social. Penser, c'est-à-dire chercher. Il semble qu'on y vienne pour affirmer ses trucs ou foutre sur la gueule de qui pense autrement. Même les ébauches de thèmes qui pourraient suggérer tel ou tel point de vue, provoquer telle discussion, ne semblent intéresser personne. En guise de résultats, quelques affinités semblent se former quelquefois qui finissent vaguement en petits groupes étanches les uns aux autres, et c'est à peu près tout.
J'avais pensé que l'anonymat pourrait éviter les problèmes d'identités, qu'on aurait pu juste se focaliser sur les sujets, pensée contre pensée en quelque sorte. Visiblement, non. Soit on passe par la reproduction des rapports de force sociaux, soit on est condamnés à une espèce d'idéologie égalitaire qui n'amène qu'à un relativisme tout aussi débile. Rien ne semble se passer dans les réseaux sociaux, en dehors peut-être d'associations plus ou moins éphémères autour de thèmes rassembleurs : politique, féminisme ou telle ou telle autre lutte, etc. Même les gens qui appartiennent à des mondes pourtant extrêmement différents se retrouvent englués dans des signifiants banalisés propres aux sujets traités, ce qui, si l'on y ajoute la logique propre aux mots, les empêche d'exprimer ce qu'ils pourraient apporter aux débats.

Pourquoi le fascisme ? D'abord parce qu'il est de plus en plus prégnant partout au niveau politique, ensuite parce qu'à des degrés divers, les gens sont tous plus ou moins fascistes sans en avoir conscience. Elle est là, la violence, et nulle part ailleurs. De plus, tout le monde ou presque possède aujourd'hui un capital de mots qui lui fait croire qu'il peut disserter de tout sans rien connaître des réalités concrètes propres aux sujets traités. On échange donc des mots. Par exemple, ça fait plus d'un demi-siècle qu'on vit dans un monde ou, parlant de la Shoah, tout le monde s'entendait pour dire "plus jamais ça" ; et voilà que c'est Israël lui-même qui semble aujourd'hui démangé par la tentation de faire un nouvel holocauste avec les gazaouis. C'est trop fort pour moi.
J'imagine que les gens qui vivent loin d'internet sont moins cons. Si ceux-là pouvaient être épargnés, ce serait un moindre mal, mais rien n'incite à le penser. Un jour, tout le monde sera pareil et ce sera la fin du monde.
Alors si l'on veut vraiment mettre des concepts autours, on doit pouvoir parler d'une "représentation" qui est en train de se mondialiser dans l'uniformité morale d'une bonne conscience déconnectée des choses. Mais j'avoue que j'ai du mal avec l'idée d'un génocide en toute bonne conscience (...)