Beethoven, 9° symphonie

Ludwig Van Furtwangler

Peut-être le plus grand enregistrement de l'histoire du disque, la neuvième symphonie de Beethoven au festival de Bayreuth en 1951. Pourquoi le plus grand ? Parce que c'est Ludwig Van lui-même qui tient la baguette... enfin son avatar plutôt, connu à l'époque sous le nom de Wilhelm Furtwängler. Que dire ? Pour ceux qui auraient la chance inouïe de ne pas encore connaître cet enregistrement, on peut les envoûter à peu de frais en leur conseillant de mettre directement le curseur à 29'42, soit au début du troisième mouvement, d'une beauté proprement inouïe, peut-être insurpassable. Les âmes damnées pourront l'écouter en boucle jusqu'à la fin des temps. Les autres poursuivront avec l'hymne à la joie, ce qui n'est pas tout à fait se foutre d'eux quand même. La prise de son est en mono et on s'en fout complètement, même si ça n'éclaircit pas franchement la spatialisation de l'orchestre (et particulièrement aux moments des chœurs). Furtwangler n'est de son côté pas exactement le chef d'orchestre qui a le plus le rythme dans la peau, mais personne ne se fout comme lui des tempi avec un pareil bonheur. Beethoven/Furtwangler est LE rythme, voire le temps, et toute autre conception rythmique est désormais obsolète.

GulabJamun a écrit:Beethoven disait : "La musique est une révélation plus haute que toute sagesse et toute philosophie" en rajoutant : "Croyez-vous que je pense à un sacré violon quand l'Esprit me parle, et que j'écris ce qu'il me dicte ?"

C'était rien qu'un gros frimeur, Ludwig Van, quand même... ou un incompris peut-être ?
Une "révélation"... mot intéressant en attendant (que je sais pas trop commenter en fait). Mais à propos, si c'était une "révélation", ne devriez-vous pas être transportée un peu plus longtemps que le temps seul de la symphonie ?    


Votre citation m'a amené à aller faire un tour sur wiki, qui a un lien très fourni sur Furtwangler. C'est très intéressant, plein de choses sont dites. J'en ai sélectionné un certain nombre...


Sur les tempi :

Beethoven aux musiciens qui le jouaient : "pourquoi m'ennuient-ils en me demandant mes tempi ? S'ils sont bons musiciens, ils devraient savoir comment jouer ma musique. S'ils ne sont pas bons musiciens, aucune indication ne saurait être utile".
Et encore ailleurs : "mes tempi ne sont valables que pour les premières mesures, car n'oublions pas que le sentiment et l'expression doivent avoir leurs propres tempi".


Sur Furt et le sens en musique :

Jeune, il refusa de diriger la Missa Solemnis qu'il considérait pourtant comme le sommet de l’œuvre de Beethoven. Il déclara qu'il ne l'avait pas assez bien comprise et donc qu'il n'était pas digne de la jouer.

La femme d'Arnold Schönberg rapporta que le souci de Furtwängler était de respecter absolument ce que son mari avait voulu dire avant de diriger l'une de ses œuvres, le harcelant sans arrêt de questions.

Celibidache raconte qu'il lui a un jour demandé : "à quelle vitesse se fait ce passage, cette transition ?" Et que Furtwängler a répondu : "cela dépend de la manière dont ça sonne".


Sur la personnalité de Furt (et son rapport à l'interprétation) :

Un dénommé Birkner écrit : "dès le début, Furtwängler est un créateur et se définit comme tel. Même si le destin lui réserve un rôle exceptionnel d'exécutant, son aspiration la plus profonde tend à la création". Furt s'est avant tout considéré comme un compositeur contrarié et raté. Il écrivit en 1946 : "en fait, la direction d'orchestre a été le refuge qui m'a sauvé la vie, car j'étais sur le point de périr compositeur".


Sur sa vision de Beethoven :

"Beethoven renferme en lui-même toute la nature de l'homme. Il n'est pas essentiellement chantant comme Mozart, il n'a pas l'élan architectural de Bach, ni le sensualisme dramatique de Wagner. il unit tout cela en lui, chaque chose étant à sa place". Pour Furt, Beethoven était le compositeur de la musique pure par excellence. Pure dans le sens d'une musique qui s'exprime indépendamment de tout contenu explicite. Même dans l'hymne à la Joie, il ne cherche pas à accompagner l'idée de joie mais à la traduire directement sous forme de son. Furt voyait dans la 9° symphonie le sommet le plus élevé de la civilisation européenne.

Contrairement à ce que l'on pourrait facilement penser, il ne considérait pas que Beethoven était le plus grand compositeur du monde occidental. Il plaçait Bach encore plus haut. Furtwängler déclara, à plusieurs reprises, que la Passion selon Saint-Mathieu était, de très loin, la plus grande œuvre jamais composée.



Mince alors, pas une virgule à changer... je suis donc Furt !  
... mais alors suis-je Beethoven ?